IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Effet de la perte auditive et du port de protecteurs auditifs sur la perception et la localisation auditive des alarmes de recul

Résumé

Chaque année, des travailleurs se font heurter par un véhicule qui manœuvre en marche arrière. Certaines caractéristiques des alarmes de recul conventionnellement utilisées en milieu de travail (alarmes tonales « bip-bip ») compromettent leur performance à avertir adéquatement les travailleurs de l’approche d’un véhicule, du moins comparativement aux plus récentes alarmes à large bande (« pshit-pshit »). On cite trois principaux désavantages de l’alarme tonale, soit une plus grande difficulté à localiser la provenance du signal sonore dans l’espace, un patron de propagation sonore irrégulier derrière le véhicule lourd, ainsi qu’une nuisance sonore (ou pollution sonore) accrue.

Des études antérieures financées par l’IRSST ont démontré la supériorité de l’alarme à large bande pour les individus avec audition normale, porteurs ou non de protecteurs auditifs. La présence de perte auditive chez les travailleurs étant une réalité incontournable des milieux de travail bruyants, le but de la présente étude (IRSST/Université d’Ottawa) est d’évaluer l’impact de la surdité sur la perception et la localisation des alarmes de recul en combinaison avec le port de protecteurs auditifs (bouchons et coquilles, en mode passif ou à rétablissement de son). La méthodologie utilisée est similaire à celle utilisée dans les projets antérieurs qui impliquaient des auditeurs normaux qui portaient ou non des protecteurs auditifs. La mesure du seuil de détection vise à déterminer le niveau sonore de l’alarme le plus faible perçu dans un bruit de fond de 80 dBA. La mesure du seuil de réaction vise, quant à elle, à déterminer le niveau sonore de l’alarme (en présence d’un bruit de fond de 80 dBA) qui éliciterait une réaction qui, sur le terrain, consisterait à se tourner vers le véhicule ou à se déplacer hors de la zone de danger. En ce qui concerne la mesure des capacités de localisation sonore, elle vise à déterminer le pourcentage d’identification correcte de la provenance de l’alarme ainsi que les erreurs de types avant-arrière et gauche-droite.

À l’issue de cette étude, et compte tenu des études précédentes financées par l’IRSST (Vaillancourt et al., 2012 ; Nélisse et al., 2017 ; Vaillancourt et al., 2019), les recommandations suivantes peuvent être formulées dans le contexte de l’utilisation des alarmes de recul et des protecteurs auditifs en milieu de travail bruyant, pour les auditeurs avec audition normale et avec perte auditive :

  • L’alarme à large bande devrait être privilégiée en raison de son avantage important pour la localisation sonore et des seuils de réaction généralement moins élevés qu’avec l’alarme tonale, surtout lors du port de protecteurs auditifs.
  • Les protecteurs à rétablissement de son devraient être considérés puisqu’ils peuvent améliorer de façon significative les seuils de détection dans le silence et les seuils de réaction dans le bruit comparativement aux protecteurs passifs.
  • Lorsque la localisation sonore est critique pour assurer la sécurité des travailleurs :
    • les bouchons sont recommandés puisque les coquilles semblent nuire davantage aux indices de localisation sonore ;
    • il est recommandé d’offrir une sélection de produits aux travailleurs étant donné qu’il existe des différences importantes entre les différents protecteurs auditifs pouvant influencer la localisation auditive, particulièrement en ce qui concerne les protecteurs à rétablissement de son (p. ex., position des microphones) ;
    • il est recommandé d’offrir une période d’adaptation ou d’essai aux travailleurs étant donné que les performances en localisation sonore varient grandement d’un individu à l’autre, particulièrement chez les participants avec perte auditive.
  • On recommande la méthodologie de la norme ISO 9533 pour l’ajustement du niveau sonore des alarmes de recul, en prenant en considération les éléments suivants afin d’assurer une réaction adéquate chez la majorité des travailleurs (audition normale et perte auditive) :
    • un rapport S/B de 0 dB dans la zone de danger à l’arrière du véhicule est adéquat sans protection auditive,
    • pour les travailleurs qui utilisent des protecteurs auditifs passifs ou des protecteurs auditifs à rétablissement de son en mode passif (OFF/éteint) le niveau de l’alarme devrait être ajusté à un rapport S/B d’environ 10 dB pour l’alarme tonale. Pour l’alarme à large bande, ce niveau pourrait être réduit de 3 dB,
    • lors de l’utilisation des protecteurs à rétablissement de son, le niveau de l’alarme devrait être ajusté à un S/B d’environ 5 dB,
    • il faut inclure toutes les sources de bruit de l’environnement de travail lors de la mesure du bruit de fond et pas seulement le bruit du moteur du véhicule (seule source de bruit mentionnée dans la norme ISO 9533), sur lequel l’alarme est installée.

Il est important de noter que les recommandations quant aux protecteurs auditifs sont basées sur les résultats obtenus sur un nombre limité de protecteurs auditifs fonctionnels et bien ajustés. Il faut donc exercer une certaine prudence quant à la généralisation à d’autres produits disponibles sur le marché et des contraintes d’utilisation typiques rencontrés dans les divers milieux qui pourraient compromettre la performance de ces protecteurs tant en localisation sonore qu’en détection/réaction. Par exemple, un protecteur défectueux ou mal ajusté d’un côté pourrait nuire particulièrement à la localisation sonore, tout comme le fait de retirer un protecteur d’un seul côté dans le but d’améliorer la communication. Puisque l’ajustement du niveau de l’alarme demeure une problématique importante en pratique, il est primordial de ne pas limiter les efforts de prévention des accidents à l’utilisation unique des alarmes de recul. Bien que l’alarme sonore de recul demeure obligatoire sur la plupart des véhicules lourds et reste un moyen largement utilisé pour prévenir et alerter les personnes œuvrant à proximité d’un véhicule lourd, elle ne peut à elle seule assurer la protection et la sécurité des travailleurs. Il est important de préconiser une meilleure conception des plans de circulation et une réduction notable, voire l’élimination, des manœuvres de recul, ainsi que l’utilisation d’autres technologies (p.ex., détecteurs d’obstacles, haut-parleur paramétrique qui permet de circonscrire le signal d’alarme dans la zone de danger tout en limitant la nuisance environnementale).

Puisque l’ajustement du niveau de l’alarme demeure une problématique importante en pratique, il est primordial de ne pas limiter les efforts de prévention des accidents à l’utilisation unique des alarmes de recul. Bien que l’alarme sonore de recul demeure obligatoire sur la plupart des véhicules lourds et reste un moyen largement utilisé pour prévenir et alerter les personnes œuvrant à proximité d’un véhicule lourd, elle ne peut à elle seule assurer la protection et la sécurité des travailleurs. Il est important de préconiser une meilleure conception des plans de circulation et une réduction notable, voire l’élimination, des manœuvres de recul, ainsi que l’utilisation d’autres technologies (p.ex., détecteurs d’obstacles, haut-parleur paramétrique qui permet de circonscrire le signal d’alarme dans la zone de danger tout en limitant la nuisance environnementale).

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2018-0028
Mis en ligne le : 10 novembre 2022
Format : Texte