IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Adaptation des milieux de travail aux effets des changements climatiques : Tome 2 – Mesures d’adaptation destinées aux travailleurs du Québec les plus à risque vis-à-vis de la hausse des épisodes de fortes chaleurs liée aux changements climatiques

Résumé

Le présent document correspond au tome 2 du rapport de la recherche intitulé « Adaptation des milieux de travail aux effets des changements climatiques ». Il présente le 2e volet de cette recherche dont l’objectif était de coconstruire des mesures d’adaptation destinées à protéger la santé des travailleurs des 50 professions du Québec les plus à risque vis-à-vis de la hausse des épisodes de fortes chaleurs liée aux Changements climatiques (CC) (désigné par danger A), et ce, en collaboration avec des acteurs clés du secteur de la santé et de la sécurité du travail.

Une revue de la littérature scientifique et grise, couvrant la période 1980-2020, a été menée en premier lieu pour recenser les mesures d’adaptation existantes ou recommandées (aux échelles tant internationale, nationale que provinciale) pour les 50 professions ciblées et visant à prévenir les risques associés au danger A, lequel est susceptible d’augmenter les niveaux de contrainte thermique due à la chaleur en milieu de travail. En deuxième lieu, la pertinence et le réalisme de la mise en œuvre, au Québec, de ces mesures ont été évalués lors d’un premier atelier d’échange réunissant les membres du groupe de recherche et des représentants de diverses parties prenantes impliquées en santé et sécurité des milieux de travail concernés. Dans un troisième temps, de nouvelles mesures d’adaptation ont été élaborées pour les professions pour lesquelles aucune n’avait été recensée à travers la littérature, et cela, en s’appuyant sur une approche par association développée par le groupe de recherche. La démarche consistait à évaluer les possibilités de leur appliquer l’intégralité ou une partie des mesures identifiées pour d’autres professions. Cette approche a également été utilisée pour compléter, au besoin, les mesures qui avaient été déjà documentées pour certaines professions. En dernier lieu, un deuxième atelier d’échange, réunissant les mêmes acteurs, a été l’occasion de discuter du bien-fondé des mesures nouvellement élaborées et de vérifier si des mesures additionnelles étaient requises.

La recherche documentaire a permis d’identifier des mesures d’adaptation pouvant être appliquées à 24 des 50 professions très à risque pour le danger A. Les mesures recensées ont été classées en quatre catégories selon leur finalité. La première porte sur la surveillance de la contrainte thermique due à la chaleur ou celle de l’astreinte thermique (ou réponse physiologique) qui en découle. Cette surveillance permet de gérer optimalement les trois autres catégories de mesures qui visent à contrôler la contrainte thermique. Pour pratiquement l’ensemble des 24 professions, les mesures documentées concernaient trois à quatre catégories distinctes.

Les stratégies de surveillance de la contrainte thermique, telles que documentées, sont essentiellement basées sur la mesure d’un ou de plusieurs indices de portées et d’applicabilités diverses selon les conditions de travail, dont le WBGT (indice de température au thermomètre-globe mouillé), la température de l’air corrigée, l’indice de chaleur, le TWL (indice de limite de travail thermique) ou encore le modèle PHS (indice d’astreinte thermique prévisible), dans les situations d’ambiance excessivement chaude. La surveillance de l’astreinte thermique implique principalement la mesure en continu d’un ou de plusieurs indicateurs, dont la fréquence cardiaque, la température corporelle et la perte hydrique. Cette mesure se justifie par les variations individuelles de la réponse physiologique.

Le contrôle de la contrainte thermique fait appel à des mesures d’ingénierie, administratives et de protection personnelle. Celles-ci sont souvent combinées pour une protection renforcée de la santé des travailleurs. La réalisation de chacune de ces mesures requiert la mise en œuvre conjointe d’actions diverses afin d’améliorer la prévention des risques associés à la chaleur. Les mesures d’ingénierie tendent à réduire, par exemple, la charge de travail ou la température de l’air (p. ex., mécanisation des tâches, usage de ventilateurs électriques) tandis que les mesures administratives, à visée collective, sont plus centrées sur les pratiques de travail. Elles combinent, entre autres, la formation/sensibilisation aux risques liés à la chaleur, des programmes d’acclimatation, des protocoles d’hydratation, une réorganisation du travail (p. ex., des alternances travail/repos mieux planifiées), l’aménagement d’abris et la surveillance de la santé des travailleurs, dont le dépistage de l’intolérance à la chaleur. Les mesures de protection personnelle sont axées sur des actions individuelles, comme un habillement léger en tissu adapté ou le port d’une veste de refroidissement.

La pertinence des mesures d’adaptation recensées dans la littérature a été largement appuyée lors du premier atelier d’échange bien que des obstacles d’applicabilité, particulièrement pour celles destinées à la protection personnelle, aient été soulevés, dont la limitation organisationnelle, les coûts prohibitifs et une culture de travail plutôt réfractaire au changement. Les trois mesures administratives phares de mise en pratique moins contraignantes incluent des programmes de formations/sensibilisations des travailleurs aux risques liés à la contrainte thermique, une meilleure planification des alternances travail/repos et un protocole renforcé d’hydratation pour compenser les pertes d’eau.  

Subséquemment, les nouvelles mesures d’adaptation, élaborées grâce à l’approche par association pour la majorité des 26 professions qui n’en avaient pas bénéficié à travers la revue de la littérature, ont été accueillies favorablement lors du deuxième atelier. Il en a été de même pour les mesures suggérées pour compléter celles déjà recensées pour certaines professions. Bien que le gain manifeste de l’ensemble des mesures proposées pour préserver la santé des travailleurs ait été souligné, la complexité de leur application pratique a néanmoins été remise à l’avant-scène par les représentants de parties prenantes.

Le caractère multidisciplinaire des ateliers et l’implication des parties prenantes québécoises dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail a privilégié une démarche de coconstruction afin de rehausser la pertinence et le réalisme de nombreuses mesures d’adaptation proposées et de soutenir de saines conditions de santé au travail dans un contexte de hausse des épisodes de fortes chaleurs liée aux CC. Malgré les difficultés d’applicabilité de certaines de ces mesures, les milieux de travail pourraient certainement innover en déployant des scénarios qui permettraient leur implantation et leur mise à profit. Cette recherche pourrait également contribuer au développement d’un guide destiné aux employeurs et aux travailleurs pour une application effective des mesures d’adaptation aux retombées jugées importantes.

 

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2018-0023
Mis en ligne le : 20 octobre 2022
Format : Texte