IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Développement d’une méthodologie pour évaluer la performance des gants à isoler des vibrations en tenant compte de la dextérité ainsi que de la force de préhension

Résumé

L'efficacité des gants antivibrations pour réduire les vibrations transmises à la main est actuellement évaluée en laboratoire selon la méthodologie décrite dans la norme ISO 10819:2013. Cette norme évalue la transmission des vibrations à la paume de la main, mais ne tient pas compte de la transmission des vibrations aux doigts ni de l’effet du port de ces gants sur la dextérité manuelle et l’effort de préhension. Cette étude visait à développer une méthodologie afin d’améliorer l’évaluation de la transmission des vibrations par les gants antivibrations à la paume et aux doigts, tout en tenant compte de l’effet de ces gants sur la force de préhension et sur la dextérité manuelle. Pour ce faire, 10 types de gants provenant de différents fabricants ont été sélectionnés et leurs propriétés mécaniques ont été caractérisées. Les gants sélectionnés comprenaient cinq gants avec des matériaux viscoélastiques (Gel1,…, Gel5), deux gants avec des pochettes d'air (Air1 et Air2), un gant hybride, avec des pochettes d'air au niveau de la paume et un matériau viscoélastique au niveau des doigts (Hybride), un gant en caoutchouc (Caoutchouc) et un gant en tissu (Tissu).

Afin d’évaluer l’influence du port de gants antivibrations sur la force de contact s’exerçant à la surface de la main, un capteur de distribution de pression a été développé pour mesurer la force de contact à l'interface main-poignée ainsi qu’à l'interface main-gant. Par la suite, des essais avec cinq sujets appliquant neuf combinaisons de forces de préhension et de poussée sur une poignée cylindrique ont été réalisés avec le capteur fixé à la surface de la main pour mesurer la force de contact sous trois conditions différentes : main nue (MN), matériau viscoélastique enveloppant la poignée (MV) et main gantée avec un gant antivibrations (MG). Lors d’une comparaison entre ces différentes conditions, la contribution des forces de préhension et de poussée sur la force de contact était respectivement de 11 % et 22 % plus élevée pour la condition MV par rapport à la condition MN. Pour la condition MG, la contribution de ces mêmes forces était respectivement de 20 % et 32 % plus élevée par rapport à la condition MN. Ces contributions plus élevées ont été attribuées au fait que le sujet devait déformer plus de matériaux (matériau viscoélastique et enveloppe externe du gant pour la condition MG), et ce, avec une amplitude plus importante (flexion du gant nécessaire pour la condition MG afin de saisir la poignée cylindrique).

La transmissibilité des vibrations à la paume de la main des 10 gants sélectionnés a ensuite été évaluée à l’aide de 15 sujets selon les dispositions de la norme ISO 10819, ainsi qu’à l’index et au majeur. Cinq gants ont satisfait les critères d’atténuation des vibrations de la norme ISO 10819; il s’agit des gants Air1, Air2, Gel2, Gel5 et Hybride. Pour ces cinq gants, l’atténuation des vibrations à la paume se manifestait au-dessus de 30 Hz. Pour les doigts, ces mêmes gants atténuaient les vibrations transmises à l’index et au majeur à partir d’environ 200 Hz.

Par la suite, la dextérité manuelle moyenne et grossière offerte par les gants a été évaluée selon deux tests de dextérité (ASTM F2010 et « Two Hands Turning and Placing Minnesota »), pour 11 conditions (10 gants sélectionnés et main nue) et avec 15 sujets. Par rapport à la main nue, le port d’un gant a augmenté les temps d’exécution de 14 à 73 % pour le test ASTM et de 16 à 70 % pour le test Minnesota, selon le type de gant. Les résultats ont montré également des temps d’exécution généralement plus élevés avec le test Minnesota par rapport au test ASTM. Le test Minnesota a aussi présenté une variabilité plus élevée, en plus de présenter une sensibilité moins élevée pour discriminer entre les 10 gants de l’étude (42 % versus 51 % pour le test ASTM). Par ailleurs, parmi les cinq gants satisfaisant les critères d’atténuation des vibrations de la norme ISO 10819, deux groupes distincts ont été observés pour le test ASTM. Il s’agit du gant Air1 pour le groupe offrant la moins bonne dextérité et des gants Gel2, Gel5, Air2 et Hybride pour le groupe offrant la meilleure dextérité. Pour le test Minnesota, on note également l’existence de deux groupes distincts, constitués du gant Air1 pour le groupe offrant la moins bonne dextérité et des gants Gel2 et Air2 pour le groupe offrant la meilleure dextérité. Les gants Gel5 et Hybride constituaient un groupe intermédiaire, chevauchant les deux groupes distincts.

Afin d’établir une méthodologie visant à évaluer l’effet du port de gants antivibrations sur la force de préhension, l'activation musculaire a été mesurée par électromyographie de surface pour quatre muscles de l'avant-bras, à savoir le grand palmaire (GP), le fléchisseur commun des doigts (FCD), le premier radial (PR) et l'extenseur commun des doigts (ECD). Ces mesures ont été effectuées pour 11 conditions de gant (main nue et les 10 gants sélectionnés) avec 15 sujets exerçant des forces de préhension de 25 et 50 N sur une poignée cylindrique de 40 mm de diamètre. Les valeurs efficaces moyennes (RMS) obtenues pour chaque muscle pour un gant et une force de préhension donnés ont été normalisées par rapport à celles obtenues pour la condition main nue sous la même force de préhension. La stratégie de mesure la plus sensible (préhension de 50 N – combinaison des muscles PR et GP) a permis d’identifier trois sous-groupes de gants qui s’avéraient être équivalents en matière d’exigence, comme mesurée avec l’activation musculaire. Le premier sous-groupe était constitué des gants Tissu (valeur efficace moyenne à 122 % de celle de la main nue) et Caoutchouc (134 %), soient les moins exigeants de tous les gants. Le deuxième sous-groupe était formé des gants Gel1, Gel2, Gel3, Gel4, Air2 et Hybride qui ont généré une activation musculaire variant entre 143 et 151 % de la main nue. Finalement, le troisième sous-groupe était constitué des gants Gel5 (157 %) et Air1 (173 %), soient les plus exigeants. Parmi les cinq gants qui satisfaisaient les critères d’atténuation des vibrations de la norme ISO 10819 (Gel2, Gel5, Air1, Air2 et Hybride), les gants Gel2, Air2 et Hybride étaient ceux qui étaient les moins exigeants.

Des corrélations significatives entre l’épaisseur du gant et la majorité des mesures de transmissibilité ont suggéré une meilleure atténuation des vibrations pour une épaisseur plus élevée du gant (donc plus faible rigidité en compression). Cette association a été confirmée par des corrélations positives entre certaines transmissibilités et la rigidité du matériau antivibrations, où une plus faible rigidité était associée à une plus faible transmissibilité des vibrations, en diminuant la fréquence de résonance du système main-gant. Par ailleurs, l’épaisseur du gant ainsi que l’utilisation de matériaux rigides pour la couverture et le dos des gants ont entraîné une augmentation des efforts de préhension en augmentant, entre autres, la rigidité en flexion du gant. Cette rigidité contribue également à augmenter les temps d’exécution des tests de dextérité manuelle ASTM et Minnesota.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2013-0020
Mis en ligne le : 25 avril 2022
Format : Texte