IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Critères de stabilité des échelles et des escabeaux

Résumé

Les chutes de hauteur sont encore aujourd’hui une des principales causes d’accident au Québec, et la deuxième cause en termes de coûts sur la période 2010 – 2012, avec une moyenne de 397 millions de dollars par année. Selon la CNESST, les statistiques de lésions impliquant les échelles, que ce soit en construction ou en établissement, montrent une augmentation au fil des ans (période de 2007 à 2012) et sur la période 2009 à 2013, 20 % des lésions dues à une chute de hauteur ont été causées par une chute à partir d’une échelle.

Un des principaux critères affectant la stabilité des échelles est l’angle d’inclinaison de celle-ci. De cet angle découle la stabilité de l’échelle pour le glissement du pied et du basculement en arrière. L’angle idéal se situe autour de 75 ° afin d’éviter le glissement du pied, mais un angle important rend la probabilité de basculement en arrière plus grande. Au Québec, le Code de sécurité pour les travaux de construction impose un angle compris entre 75,5 ° et 70,5 °. Ce critère est aussi présent dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail.

L’étude présentée vise à déterminer les limites de stabilité lors de l’utilisation d’échelles portatives et escabeaux. Ces limites de stabilité ont été déterminées en fonction du type de surface en pied et en tête d’échelle, de la hauteur du travailleur sur l’échelle, et pour des angles inclus dans les limites fixées par les règlements provinciaux : 70,5 ° et 75,5 °, pour différentes positions. Les essais ont été réalisés en laboratoire.

Deux échelles commerciales de 24 pieds (7,3 m) ont été utilisées pour les essais. La première est en aluminium, tandis que la seconde est en fibre de verre. Ces deux échelles sont conformes à la norme CSA Z11 et de classe 1A (extra heavy duty). Des escabeaux en aluminium de 12 pieds (ESC12) et 6 pieds (ESC6) ont également été utilisés pour les essais, et sont, comme les échelles, conformes à la norme CSA Z11 et de classe 1A. Deux expérimentateurs de taille et poids différents ont participé à la réalisation des essais, leur poids a été modifiée en utilisant une veste et une ceinture lestées. Les forces ont été mesurées par des plateformes de force et enregistrées via un logiciel d’acquisition des données, à une fréquence de 100 Hz.

Dans un premier temps, des essais préliminaires pour différentes surfaces d’appui ont été réalisés afin d’identifier les cas critiques. En pied d’échelle, le béton lisse et le carrelage ont été considérés, mouillés ou secs. Au sommet de l’échelle, le gypse, le bois, l’acier et l’aluminium ont été considérés, et certains essais ont été faits avec l’échelle en appui sur ses montants. Les surfaces critiques en pied et au sommet de l’échelle sont respectivement : le carrelage et l’acier. Les essais subséquents ont été réalisés avec ces surfaces d’appui.

L’ordre de réalisation des essais a été partiellement randomisé pour éliminer les biais expérimentaux. En tout, un peu plus de 300 essais de stabilité ont été réalisés sur les échelles escabeaux. Les expérimentateurs ont réalisé une séquence de mouvements dans le même ordre pour chaque essai :

  1. Position de départ : debout, droit, au repos;
  2. Position 1 (P1) : reculé, bras tendus;
  3. Position 2 (P2) : penché sur le côté, main sur l’échelon de l’échelle;
  4. Position 3 (P3) : retourné en se tenant avec une seule main, bras tendu si possible. Dans le cas d’une échelle non déployée, pour l’expérimentateur E1 (le plus grand et lourd), le risque d’instabilité est présent aux échelons 2 et 3 pour tous les angles d’installation et positions; à l’échelon 4 pour tous les angles d’installation dans le cas des positions P1 et P3; et aux échelons 5 et 6 dans le cas de la position P3 pour des angles d’installation de 72,5 ° et 75 ° respectivement. En d’autres termes, plus l’angle d’installation est important, plus le risque de basculement arrière est grand, et présent jusqu’à une hauteur importante sur l’échelle.

Le matériau de l’échelle influe également sur le risque d’instabilité : plus l’échelle est lourde (fibre de verre), moins le risque d’instabilité est grand. Choisir une échelle en fibre de verre permet d’abaisser l’échelon pour lequel le risque d’instabilité existe, cependant, une échelle plus lourde entraîne des contraintes supplémentaires pour sa mise en place et sa manutention, qui doivent également être considérées.

Par la suite, un modèle analytique a été développé et validé sur la base des résultats expérimentaux afin de généraliser les conclusions de l’étude. L’étude paramétrique menée à l’aide de modèles analytiques a permis de valider les observations faites lors des essais et de généraliser les conclusions pour les échelles déployées et non déployées. Plus le travailleur sera lourd, plus le risque d’instabilité sera présent sur des échelons assez hauts par rapport au sol (5e ou 6e échelon suivant les positions). La taille du travailleur est également un facteur influençant le risque de perte de stabilité : un travailleur plus grand présente un risque d’instabilité plus important, mais ce paramètre est moins déterminant que le poids du travailleur. Finalement, une échelle plus légère, notamment une échelle simple de 8 pieds, présente un risque accru de perte de stabilité, jusqu’au 4e ou 5e échelon suivant l’angle d’installation, et ce, même pour un travailleur très léger (50 kg).

Pour les essais de montée d’échelle, à des angles de 72,5 ° et 75 °, un risque de basculement arrière existe si le travailleur monte face à l’échelle. L’utilisation d’une technique adaptée, en montant les premiers échelons de l’échelle de côté, permet de limiter, voire d’éliminer le risque de basculement arrière. Une bonne formation est donc nécessaire pour utiliser adéquatement une échelle et savoir comment monter de manière sécuritaire.

Les escabeaux de faible hauteur, très légers et d’empattement réduit, présentent des risques d’instabilité majeurs, même pour les travailleurs légers et de petite taille. Leur utilisation devrait être faite en connaissance de cause, et il serait souhaitable de rappeler aux travailleurs qu’une chute, même de hauteur limitée, peut générer des blessures graves et un arrêt de travail.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2016-0034
Mis en ligne le : 28 octobre 2020
Format : Texte