IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Bilan du programme de contrôle de la qualité de la numération des fibres

Résumé

L’exposition aux fibres aéroportées en milieu de travail est mesurée à l’aide d’une technique de numération par microscopie optique à contraste de phase. La numération des fibres comporte un biais et une très grande variabilité qui peuvent être limités par de bonnes pratiques de contrôle de la qualité. Conformément aux exigences des méthodes officielles, québécoise et internationales, les laboratoires (ou les compteurs) effectuant de telles analyses doivent participer à un programme de contrôle de la qualité interlaboratoires sur des échantillons représentatifs de leurs activités afin d’évaluer le degré de fiabilité de leurs résultats.

Le présent rapport propose un bilan du programme de contrôle de la qualité de l’IRSST, de 1992 à 2011, élaboré à partir d’échantillons prélevés dans différents secteurs d’activité québécois (textile, mines, chantiers d’enlèvement de matériaux contenant de l’amiante, freins et démantèlement de fours industriels) et contenant des fibres minérales artificielles (FMA) et de l'amiante (amosite ou chrysotile ou en mixité - chrysotile + FMA ; chrysotile + gypse fibreux).

L’objectif principal de cette activité de recherche était de faire le bilan du programme de contrôle de la qualité de la numération de fibres de l’IRSST par l’exploitation de la base de données générée de 1992 à 2011. Pour ce faire, l’objectif spécifique a été de mettre en évidence, par une analyse longitudinale, les différents déterminants reliés aux échantillons et aux compteurs, pouvant contribuer à la précision et à la variabilité de la numération des fibres.

Une banque de lames, constituée à partir de 132 échantillons, a circulé auprès de 660 participants, dont 52 compteurs de référence, tout au long des 79 rondes couvertes par ce bilan. Les 32 777 résultats générés ont été consignés dans une base de données qui a permis de relier les caractéristiques des échantillons (secteur d’activité, type de fibres, mixité de fibres et densité de fibres) et les caractéristiques des compteurs (statut – référence (R) ou non-référence (NR), affiliation, expérience et participation). Des requêtes spécifiques et des analyses croisées par combinaison des caractéristiques liées aux échantillons et aux compteurs ont permis d’étudier l’influence de différents déterminants et d’en vérifier la signification statistique, à l’aide d’une analyse de variance.

Les compteurs R obtiennent un coefficient de variation (CV) moyen de 17 %, deux fois moins élevé que celui des compteurs NR (35 %), toutes variables confondues. La justesse moyenne, obtenue en divisant les résultats des compteurs NR par leur valeur cible (résultats des compteurs R), est de 1,06 (indiquant une surestimation de 6 %).

De tous les paramètres ayant un effet statistiquement significatif (p < 0,001) sur la justesse des résultats de numération de fibres, le type de fibres est le plus déterminant suivi du secteur d’activité, de la densité de fibres et finalement de l’affiliation du compteur.

Ainsi, pour tous les types de fibres, le CV des compteurs R est constant (< 20 %), à l’exception du mélange chrysotile + gypse fibreux (22 %). Pour les compteurs NR, le CV varie de 27 à 40 % selon : amosite < FMA < chrysotile + FMA < chrysotile < chrysotile + gypse fibreux. Les biais les plus importants sont observés pour les échantillons contenant seulement du chrysotile (-18 à +12 %) ou en mixité avec gypse fibreux (+15 %), alors que les résultats sont plus justes lorsqu’il s’agit de fibres d’amosite (1 %). Les compteurs ont généralement une moins bonne performance avec des échantillons contenant du chrysotile. En effet, les fibres de chrysotile sont fines, courbées et moins visibles sous le microscope optique que les fibres d’amosite ou les FMA.

Pour les différents secteurs d’activité, la variabilité (ou CV) des compteurs R demeure relativement stable (16 à 19 %) tandis que celle des compteurs NR augmente de 30 à 59 % selon : textile < freins < enlèvement < mines < démantèlement. Un biais positif moyen de 2 à 12 % est observé selon les secteurs : freins < textile ≈ enlèvement < démantèlement < mines. Le textile représente donc le secteur d’activité dont le niveau de difficulté d’analyse est le plus faible. Les échantillons provenant du secteur du textile sont composés majoritairement de fibres et contiennent peu de particules interférentes.

La variabilité et la justesse des numérations sont également influencées par la charge ou la densité de fibres. Le CV est plus élevé pour les échantillons de faible densité (39 %) que pour ceux de densité élevée (25 %). La justesse est meilleure pour les échantillons de densité élevée (‑3 %) que pour ceux de faible densité (+ 13 %). Il s’agit d’un phénomène connu : les compteurs ont tendance à surestimer le nombre de fibres dans un échantillon peu chargé tandis que les résultats sont sous-estimés lorsque la densité est plus élevée.

Lorsque les résultats de deux déterminants significatifs sont combinés, le type de fibres et le secteur d’activité, le facteur type de fibres est toujours prépondérant. La combinaison enlèvement-chrysotile seule présente la plus grande difficulté d’analyse tant sur le plan de la variabilité que celui de la justesse.

L’expérience des compteurs en lien avec leur affiliation semble avoir un effet sur la variabilité et la justesse des résultats. Ainsi, les compteurs des firmes privées (consultants), qui représentent 93,3 % de tous les participants, ont généré des CV plus élevés pour tous les types de fibres et tous les secteurs d’activité. Or, un taux d’embauche élevé a été observé tout au long du programme pour ce groupe, générant ainsi un nombre important de compteurs inexpérimentés, ce qui pourrait expliquer la variabilité croissante des résultats. En effet, plus de 71 % de tous les compteurs n’avaient pas d’expérience au moment de leur première participation. Même si la variabilité des compteurs NR augmente légèrement dans le temps, probablement en raison de la moins bonne performance des nouveaux compteurs, une amélioration de la justesse est observée avec l’expérience effective.

Les taux de réussite du programme de l’IRSST (95,1 %) et du  programme britannique AFRICA (90-95 %) sont similaires, alors que ceux des programmes espagnol (85-87 %), belge (81 %) et français (85 %) sont moins élevés. Les conditions contribuant à une meilleure performance sont liées au type de fibres (FMA et amosite), au secteur d’activité (textile) et à la densité (> 800 f/mm²).

La variabilité élevée de la numération des fibres témoigne de la nécessité de participer à un programme interlaboratoires afin d’améliorer la performance d’une telle technique d’analyse. La faible performance des compteurs moins expérimentés souligne le besoin de formation supplémentaire. Considérant l’influence significative des variables reliées aux échantillons (type de fibres, secteur d’activité et densité de fibres), le maintien d’une banque d’échantillons variés, représentatifs des milieux de travail, est fortement suggéré dans la continuité du programme de contrôle de la qualité de la numération des fibres de l’IRSST.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Chantal Dion
  • Daniel Drolet
  • Gabrielle Chamberland
  • Claudette M. Dufresne
  • Julie McCabe
Projet de recherche : 2013-0066
Mis en ligne le : 23 septembre 2016
Format : Texte