IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Étude exploratoire sur la caractérisation de la masse apparente d’un système couplé corps assis – siège élastique soumis à des vibrations dans l’axe vertical

Résumé

Cette étude explore un système de mesure à pellicule mince de la pression à l’interface corps-siège (Tekscan Inc.) pour caractériser les réponses biodynamiques de sujets humains assis sur des sièges élastiques et exposés à des vibrations dans l’axe vertical. L’étude porte sur un siège rigide et trois sièges élastiques : un siège constitué d’un bloc de mousse de polyuréthane (MPU) plat d’une épaisseur de 8 cm (siège A), un siège de véhicule automobile flexible et moulant (siège B) et un coussin gonflable à bulles d’air (siège C). La validité du système de mesure a d’abord été examinée, en l’absence de vibrations, avec 11 sujets assis avec un appui-dos (AAD) et sans appui-dos (SAD). Les résultats ont révélé que le système de mesure de la pression au siège peut mesurer avec précision le poids corporel statique soutenu par le siège. L’erreur maximale était de l’ordre de 4 % pour le siège plat (siège A) et de 6 % pour le siège moulant (siège B) et le siège à coussin d’air (siège C).

La validité du système de mesure a ensuite été évaluée en présence de vibrations dans l’axe vertical. Pour ce faire, le siège rigide a été installé sur une plateforme de force monoaxiale montée sur un simulateur de vibrations globales du corps (SVGC), et le capteur de distribution de pression (CDP) a été posé sur l’assiette du siège pour mesurer la force à l’interface corps-siège. La force dynamique mesurée au niveau de la plateforme de force a servi de valeur de référence pour comparer les données du CDP. Le SVGC a été programmé pour générer trois niveaux de vibrations aléatoires avec une densité spectrale de puissance (DSP) de l’accélération presque constante dans la plage de fréquences de 0,5 à 20 Hz (accélération efficace globale = 0,25, 0,50 et 0,75 m/s2). Les expériences ont été réalisées avec différentes charges passives ainsi que des sujets humains. Les signaux de force provenant des deux systèmes de mesure (le CDP et la plateforme de force) et le signal d’accélération ont été analysés pour établir la réponse de masse apparente (MAPP). Les résultats ont révélé que les estimations de MAPP fournies par le CDP à des fréquences supérieures à 3 Hz étaient nettement inférieures à celles de la plateforme de force, quels que soient le chargement du siège et l’amplitude de l’excitation. Cet écart a été attribué à la faible plage dynamique et à l’absence de gain échelonnable du système de mesure de la pression. Une fonction de correction, soit le rapport de l’amplitude de MAPP fournie par la plateforme de force sur celle provenant du CDP, a été calculée pour tenir compte des limites du système de mesure de la pression, et ce, pour chaque combinaison de chargement et d’amplitude de vibration. L’application des fonctions de correction a permis d’obtenir des réponses comparables des deux systèmes de mesure.

Trois séries d’expériences ont ensuite été entreprises pour caractériser les réponses biodynamiques de sujets assis sur un siège rigide et sur des sièges élastiques, de même que pour examiner plus à fond la validité du système de mesure. Les deux premières séries, effectuées simultanément, portaient sur la mesure des réponses biodynamiques de sujets assis sur un siège rigide au moyen de la plateforme de force et du capteur de distribution de pression, respectivement. Les résultats issus de la première série d’expériences ont servi de référence pour vérifier les données du système de mesure utilisé lors de la deuxième série. La troisième série portait sur la caractérisation des réponses de MAPP de sujets assis sur trois types de sièges élastiques, la force biodynamique étant alors mesurée au moyen du CDP. Compte tenu des propriétés d’atténuation des vibrations des sièges viscoélastiques, cette dernière série d’expériences exigeait une synthèse de niveaux de vibrations identiques à la surface du siège. Une méthode a donc été développée pour synthétiser le spectre vibratoire recherché sur les sièges élastiques au moyen de deux microaccéléromètres installés à proximité des tubérosités ischiatiques des sujets qui fournissaient une rétroaction au contrôleur de vibrations du SVGC. L’analyse des niveaux de vibrations mesurés à la surface et à la base du siège a révélé que les sièges élastiques atténuaient les vibrations de façon notable.

Au total, 58 sujets (31 hommes et 27 femmes) dont la masse corporelle en position debout variait entre 45,5 kg et 106 kg ont participé aux expériences. Chaque sujet a tour à tour pris place sur un siège rigide et sur trois sièges élastiques pour les conditions avec un appui-dos vertical (AAD) et sans appui-dos (SAD), et a ainsi été exposé à trois niveaux de vibrations à large bande dans la plage de 0,5 à 20 Hz. Les dimensions anthropométriques des sujets, telles que la stature, l’adiposité corporelle, la masse maigre du corps, la taille en position assise, la hauteur C7, le tour de hanches et l’aire de contact corps-siège, ont également été consignées. Les résultats obtenus dans le cadre de la première série d’expériences ont été analysés pour déterminer l’effet lié au sexe et établir des corrélations avec les facteurs anthropométriques. Les analyses ont révélé d’importants couplages entre les effets liés au sexe, à la masse corporelle et aux facteurs anthropométriques. Les mesures obtenues ont ainsi été regroupées en étroites plages de masses corporelles et de valeurs anthropométriques afin de dégager des corrélations entre les réponses de MAPP et les facteurs anthropométriques retenus. La comparaison des réponses des sujets masculins et féminins a clairement démontré un important effet lié au sexe jumelé à des facteurs anthropométriques de façon complexe. Les réponses des sujets féminins ont nettement révélé une crête de résonance secondaire de grande amplitude aux fréquences supérieures à 10 Hz, ce qui ne ressortait que peu ou pas des réponses des sujets masculins. Les sujets masculins présentaient invariablement une fréquence de résonance principale plus élevée que les sujets féminins de masse corporelle comparable. L’amplitude maximale de la MAPP augmentait en fonction de la masse corporelle et de la plupart des paramètres anthropométriques considérés dans cette étude.

Les réponses de MAPP mesurées au niveau du capteur de distribution de pression (série 2) et pondérées par les fonctions de correction concordaient relativement bien avec celles de la plateforme de force. La différence maximale entre les réponses obtenues selon les deux méthodes était de l’ordre de 6 % sous une excitation de 0,75 m/s2, et plus élevée sous une excitation de 0,25 m/s2, ce qui a été attribué à la faible plage dynamique du CDP. On a ainsi conclu que les fonctions de correction pouvaient adéquatement rendre compte de la réponse en fréquence du système de mesure, et émis l’hypothèse qu’elles étaient applicables aux sièges élastiques. Les réponses de MAPP obtenues avec les sièges élastiques (série 3) ont été comparées à celles qui provenaient du siège rigide i) pour chaque sujet, ii) pour les réponses moyennes des sujets à l’intérieur de chaque groupe de masse corporelle, et iii) pour les réponses moyennes de tous les sujets. L’examen de l’amplitude de la MAPP à basse fréquence (près de 1 Hz) pour chaque combinaison sujet-siège a révélé que le siège soutenait une masse corporelle beaucoup plus faible dans le cas de certains sujets. L’écart entre les valeurs mesurées et attendues (75 % à 80 % de la masse corporelle en position debout) s’élevait à plus de 15 % pour certains sujets, plus particulièrement sous la faible excitation de 0,25 m/s2. Les ensembles de données présentant des écarts de plus de 15 % ont été exclus des analyses ultérieures. Les ensembles de données restants pour chaque siège ont été répartis par groupes de masse corporelle pour les deux sexes. Les réponses moyennes ont été analysées pour évaluer les effets liés au sexe, à la masse corporelle, à l’appui-dos et à l’amplitude de vibration sur la MAPP des sujets assis sur les sièges élastiques.

Les résultats ont montré que les sièges élastiques ont tendance à réduire la fréquence de résonance principale de même que la crête de résonance. Ils suggèrent par ailleurs une forte influence des propriétés viscoélastiques des sièges de même que des facteurs liés au sexe et à la masse corporelle. La moyenne des amplitudes maximales de la MAPP des sujets masculins s’apparentait à celle des sujets féminins de masse corporelle comparable, tandis que la fréquence de résonance principale des sujets féminins était plus faible que celle des sujets masculins. Le siège à coussin d’air (siège C) a fourni des mesures d’amplitude maximale de la MAPP relativement plus élevées chez les deux sexes, ce qu’on a attribué au faible degré d’amortissement du siège. Le siège à coussin plat en mousse de polyuréthane (siège A), dont les propriétés d’amortissement étaient supérieures, a fourni les plus faibles mesures de réponse maximale en amplitude, quelles que soient les conditions d’assise et d’excitation. On peut donc en conclure que les réponses biodynamiques de sujets humains assis sur des sièges élastiques et exposés à des vibrations dans l’axe vertical diffèrent significativement de celles qu’on obtient avec un siège rigide. Les réponses mesurées fournissent d’importantes valeurs cibles qui pourront servir au développement de mannequins anthropodynamiques et à la conception de sièges.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 0099-6300
Mis en ligne le : 18 septembre 2015
Format : Texte