IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Les effets sur la santé reliés aux nanoparticules - 2e édition (avril 2008)

Résumé

La recherche dans le domaine des nanoparticules (NP) et de la nanotechnologie croît à un rythme stupéfiant. La raison en est fort simple : les propriétés uniques des NP devraient permettre le développement de produits aux caractéristiques inédites et une pléthore d’applications dans tous les champs de l’activité humaine, générant de ce fait des retombées économiques considérables.

On prévoit que le nombre de travailleurs québécois exposés aux NP, tant par leur utilisation et leur transformation que par leur production, s’accentuera au cours des prochaines années. D’ailleurs, plusieurs produits sont déjà commercialisés et quelques entreprises québécoises ont maintenant la capacité de fabriquer des NP à grande échelle.

Alors que la recherche technologique est déjà bien établie avec de nombreux transferts en production industrielle, celle sur l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité (SST) des travailleurs accuse un important retard. Elle s’est toutefois fortement développée au cours des dix dernières années. Un premier bilan des connaissances sur les risques pour la santé des NP avait été publié par notre équipe à l’hiver 2006 et couvrait alors la littérature jusqu’en 2004. Le présent rapport en est la seconde édition et il intègre les connaissances scientifiques jusqu’à la mi-2007.

Les NP insolubles ou peu solubles dans les fluides biologiques sont les plus préoccupantes. À cause de leur taille infime, plusieurs études ont démontré un comportement qui est unique aux NP. Certaines peuvent franchir nos différents mécanismes de défense et être transportées sous forme insoluble dans l’organisme. Elles peuvent donc se retrouver dans le sang en ayant franchi les membranes pulmonaires ou gastro-intestinales, se distribuer dans les différents organes et s’accumuler à certains sites spécifiques. D’autres peuvent voyager le long des nerfs olfactifs et pénétrer directement dans le cerveau ou encore franchir les barrières cellulaires et rejoindre le noyau de la cellule. Très étudiées en pharmacologie, ces propriétés pourraient permettre d’utiliser des NP comme vecteurs afin d’acheminer des médicaments à des sites ciblés de l’organisme, incluant le cerveau. Le corollaire est que des NP indésirables pourraient être distribuées dans l’organisme des travailleurs exposés et y produire des effets délétères.

Normalement, en toxicologie, les effets sont corrélés à la quantité de produit auquel l’animal ou l’homme sont exposés. Plus grande est la masse absorbée, plus grand est l’effet. Dans le cas des NP, il a clairement été démontré que les effets mesurés ne sont pas reliés à la masse du produit, bouleversant ainsi l’interprétation classique des mesures de toxicité. Il est en effet avéré qu’à masse égale, les NP sont plus toxiques que les produits de même composition chimique de taille supérieure.

Quoique plusieurs études aient trouvé une corrélation entre la surface spécifique et les effets toxiques, il semble se dégager un consensus dans la communauté scientifique à l’effet que plusieurs facteurs contribuent à la toxicité de ces produits de nouvelle génération et qu’il est actuellement impossible, à partir de nos connaissances fragmentaires, de pondérer leur importance respective ou de prédire avec précision la toxicité d’une nouvelle NP. Les études publiées relient les effets observés à différents paramètres: la surface spécifique, le nombre de particules, la taille et la distribution granulométrique, la concentration, la dose de surface, le recouvrement de surface, le degré d’agglomération des particules et le site de déposition pulmonaire, la charge de surface, la forme, la porosité, la structure cristalline, le potentiel d’attraction électrostatique, la méthode de synthèse des particules, le caractère hydrophile/hydrophobe et les modifications post-synthèse (le recouvrement de surface pour empêcher l’agglomération). La présence de certains contaminants tels les métaux peut également favoriser la formation de radicaux libres et l’inflammation alors que la composition chimique et le relargage de composantes de la surface, les propriétés colloïdales et de surface des NP, la compartimentation dans les voies respiratoires et la biopersistence sont autant de facteurs rendant plus complexe encore la compréhension de leur toxicité. En outre, la lente dissolution de certaines NP ou de certaines composantes des NP dans l’organisme est à même de devenir un élément majeur dans leur toxicité. Ces divers facteurs vont conséquemment influencer leur impact fonctionnel, toxicologique et environnemental.

Chez l’animal, plusieurs effets ont déjà été démontrés dont des effets toxiques au niveau de plusieurs organes (cœur, poumons, reins, système reproducteur...) de même que de la génotoxicité et de la cytotoxicité. Certaines particules, par exemple, causent des granulomes, de la fibrose et des réactions tumorales au niveau pulmonaire. C’est ainsi qu’une substance reconnue comme peu toxique, le bioxyde de titane, démontre une importante toxicité pulmonaire lorsqu’elle est de dimension nanométrique. Globalement, les données toxicologiques spécifiques aux NP demeurent limitées. Au-delà de données très partielles, l’évaluation quantitative du risque est difficile pour la plupart des substances notamment à cause de la courte période d’exposition, de la composition différente des NP testées (diamètre, longueur et agglomération) ou de la voie d’exposition souvent non représentative de l’exposition professionnelle. Des études additionnelles (l’absorption, la biopersistance, la cancérogénicité, la translocation vers d’autres tissus ou organes, l’accumulation, etc.) sont donc nécessaires afin de disposer de l’ensemble des informations requises pour l’évaluation quantitative du risque associé à l’exposition par inhalation et à l’exposition percutanée chez les travailleurs.

Bien que de grandes tendances se dessinent et révèlent de nombreux effets toxiques reliés à certaines NP, il ressort que chaque produit synthétisé pourra avoir une toxicité qui lui est propre. Il semble en effet que toute modification de procédé ou de surface puisse avoir un impact sur la toxicité du produit résultant.

Dans un tel contexte, les auteurs de ce rapport sont d’avis que l’IRSST devrait favoriser  l’instauration de procédures strictes de prévention qui demeure la seule façon de prévenir le risque de développement de maladies professionnelles. Ils recommandent ainsi fortement que l’IRSST concentre prioritairement ses efforts de recherche sur le développement de stratégies et d’outils d’évaluation de l’exposition de même que sur le développement et la mesure de l’efficacité de moyens de contrôle de l’exposition professionnelle aux NP.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Claude Ostiguy
  • Brigitte Soucy
  • Gilles Lapointe
  • Catherine Woods
  • Luc Ménard
  • Mylène Trottier
Projet de recherche : 0099-6160
Mis en ligne le : 17 avril 2008
Format : Texte