IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Contrôle des énergies dangereuses par cadenassage et par d’autres méthodes chez les électriciens, les tuyauteurs, les frigoristes et les mécaniciens du secteur de la construction : étude exploratoire

Résumé

À la différence des études précédentes de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) sur le contrôle des énergies dangereuses et sur le cadenassage, cette étude est spécifique au secteur de la construction.

En 2016, la section 2.20 « Cadenassage et autres méthodes de contrôle des énergies » a été ajoutée au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) qui régit la santé et la sécurité sur les chantiers de construction au Québec. Cette section du CSTC fait notamment référence à la notion de maître d’œuvre (MO) pour l’encadrement du contrôle des énergies sur les chantiers de construction. L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les pratiques en lien avec le contrôle des énergies dans le secteur de la construction pour quatre corps de métier : les électriciens, les frigoristes, les mécaniciens et les tuyauteurs. Ces quatre corps de métier ont été ciblés puisqu’ils sont parmi les plus susceptibles d’appliquer une méthode de contrôle des énergies sur un chantier de construction. Cette étude est avant tout exploratoire, il n’y a pas d’intention d’analyse statistique.

Pour chaque corps de métier, une dizaine d’entrevues semi-dirigées ont été effectuées à l’aide d’un questionnaire ouvert, développé autour des exigences réglementaires ajoutées en 2016. Ces entrevues permettaient notamment aux participants de partager des expériences récentes et variées en lien avec le contrôle des énergies sur les chantiers, que ce contrôle soit présent ou non. Au final, 38 participants, c’est-à-dire 10 électriciens, 8 frigoristes, 10 mécaniciens et 10 tuyauteurs, ont été rencontrés sur une période de 20 mois allant de mai 2018 à décembre 2019. La durée moyenne des entrevues était de 90 minutes. Afin de faciliter l’analyse des résultats, les 95 expériences exprimées par les 38 participants sur la pratique ou sur l’absence du cadenassage ont été compilées par corps de métier et par type de chantiers (c.-à-d. résidentiel, commercial/institutionnel, industriel).

Préalablement aux entrevues, une analyse sommaire des accidents du travail graves et mortels dus à un problème de contrôle des énergies dangereuses dans le secteur de la construction au Québec entre 1990 et 2017 a été effectuée en se basant sur les rapports de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). En moyenne, un décès par an au Québec dans ce genre de situation a été recensé, ce qui en fait un des secteurs les plus à risque sur ce thème. Cette analyse sommaire révèle que le risque électrique et les électriciens sont largement représentés dans l’échantillon obtenu (2/3 des cas), tout comme les secteurs commercial/institutionnel et industriel (3/4 des cas répartis à parts égales). Un tiers des décès ou accidents graves ont été liés à un risque mécanique.

Concernant les pratiques des quatre corps de métier, l’analyse qualitative des entrevues a permis de faire ressortir les points suivants :

  • Tous les participants à l’étude avaient une bonne compréhension du concept de « contrôle des énergies ». Toutefois, un faible pourcentage (18 %) avait connaissance de la nouvelle réglementation en vigueur. La majorité des participants (89 %) ont affirmé avoir reçu au moins une formation sur le contrôle des énergies au gré de leurs expériences, notamment industrielles. 
  • Concernant les ajouts réglementaires de 2016, une majorité (70 %) a mentionné ne pas avoir vu de grande différence dans les pratiques depuis cette date, même si plusieurs trouvent que le contrôle des énergies est en progression sur les chantiers.
  • Selon les expériences exprimées par les participants, l’application d’une procédure de contrôle des énergies conformément aux exigences du CSTC est variable sur les chantiers. Cette variabilité s’observe particulièrement lors de l’analyse des données par type de chantiers. En effet, le contrôle des énergies selon les exigences du CSTC est globalement mis en application sur les chantiers industriels et sur les grands chantiers commerciaux ou institutionnels, quel que soit le corps de métier. Pour ce type de chantiers, le MO est généralement bien défini contractuellement avant les travaux. Dans la plupart des cas, le cadenassage est la méthode utilisée. Pour les autres types de chantiers, la détermination du MO et la planification des interventions semblent poser problème que ce soit pour des questions de communication avant les travaux, de connaissances ou autres. Cette notion d’encadrement par le MO dans l’application du CSTC semble en effet plus complexe pour les intervenants dans la situation où le client n’a pas l’expertise technique sur les équipements concernés par l’intervention. Cela fait en sorte que l’accueil, le matériel de cadenassage et les procédures de contrôle des énergies ne sont pas toujours présents sur les chantiers résidentiels et sur les chantiers commerciaux ou institutionnels de moindre envergure.
  • Sans une méthode de contrôle des énergies exigée par le MO, l’intervenant choisira une méthode de travail qui lui semble appropriée. Selon les entrevues réalisées, cette méthode ne sera pas du cadenassage au sens du CSTC dans la majorité des cas. La méthode privilégiée par les intervenants dans ces situations est le travail avec les sources d’énergie isolées, mais sans contrôle exclusif des points de coupure avec un cadenas personnel. Aussi, l’utilisation d’autres méthodes que le cadenassage par les intervenants n’est majoritairement pas documentée par une analyse de risque comme exigé dans le CSTC, hors secteur industriel. Dans les faits, le choix de la méthode de contrôle des énergies par les intervenants semble se baser sur une analyse « contraintes-bénéfices » informelle. Les facteurs exprimés par les intervenants sont décrits dans le rapport (ex. : phase du chantier, type d’intervention, contrôle visuel sur les points de coupure, blessures potentielles, travail seul ou en équipe, pression du client, conviction personnelle). Il convient de rappeler que l’intervenant, selon la réglementation, ne devrait pas avoir à faire ce type d’analyse « contraintes-bénéfices » informelle.

Finalement, les exigences du CSTC avec la notion de MO sont relativement bien adaptées aux chantiers industriels et aux grands chantiers institutionnels ou commerciaux. Elles ont trouvé moins d’échos sur les autres types de chantiers au moment de l’étude. À la suite de l’analyse des entrevues, des pistes de réflexion ont été formulées afin de favoriser le contrôle individuel des énergies, peu importe le type de chantiers. Plus spécifiquement, ces pistes ont porté sur 1) la planification des travaux entre le client et le sous-traitant, qui inclurait, par exemple, de déterminer qui est le MO et de définir le rôle de l’employeur du sous-traitant ou encore du propriétaire des équipements, 2) la possibilité pour les différents intervenants d’être moins dépendants de la notion de MO, notamment concernant le matériel de cadenassage, 3) la conception des points de coupure, et 4) la simplification du contrôle des énergies sous certaines conditions et l’utilisation d’analyses de risque documentées en absence de cadenassage.

 

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2017-0034
Mis en ligne le : 07 juin 2022
Format : Texte