IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Classification des sols et sélection des systèmes d’étançonnement pour l’excavation des tranchées

Résumé

Les travaux de fouilles en tranchée exposent les travailleurs à de nombreux risques. L’éboulement est le risque le plus grave et le plus fréquent présent pendant ces travaux, mais hélas, il est très souvent sous-estimé, alors qu’un éboulement mineur de moins d’un mètre cube de terre peut blesser mortellement un travailleur. Une analyse de 50 rapports d’accidents graves et mortels de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), survenus entre mai 1974 et juin 2017 lors de travaux d’excavation et de fouilles en tranchées, montre qu’il y a eu 48 décès et 14 accidents graves, soit 1 à 2 décès par an, représentant environ 1 % des décès au travail au Québec. Les principales causes d’accident sont l’absence d’étançonnement et de méthodes sécuritaires de travail reliées aux excavations. Au Québec, le travail en tranchée est réglementé principalement par l’article 3.15.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC).

D’autres règlements nationaux, provinciaux (Ontario, Alberta, Colombie-Britannique) et internationaux (États-Unis, Royaume-Uni) font intervenir une classification des sols en fonction de laquelle une stratégie de prévention des risques peut être mise en place dans le but d’éliminer les risques d’éboulement à la source. Or, au Québec, cette classification des sols n’existe pas dans le CSTC. Dès lors, il apparaît donc opportun d’envisager pour le CSTC une démarche similaire à celle mise en place dans les autres provinces.

Les dépôts marins et glaciolacustres présents au Québec sont compressibles et très sensibles, et n’ont pas d’équivalent aux États-Unis. Dès lors, puisque ces géomatériaux sont significativement différents de ceux décrits dans les documents internationaux, les classifications de sols proposés dans ces documents ne peuvent pas être appliquées directement et sans discernement au Québec.

Le but de ce projet de recherche est de revoir et de mettre à jour les méthodes de calcul des fouilles en tranchée, afin de tenir compte de la nature géotechnique des sols du Québec, notamment de la présence des sols à grains fins d’origine marine ou glaciolacustre qui recouvrent une bonne proportion des zones habitées du Québec. Ce projet poursuit trois objectifs spécifiques :

  • En s’inspirant de la classification des sols de Cal/OSHA (Department of Industrial Relations, 2015), classifier les sols des zones urbaines du Québec en fonction de leurs caractéristiques géotechniques selon le roc et trois types de sols en ordre décroissant de stabilité, et élaborer une méthode simple pour déterminer in situ le type de sol d’un site de travail en vue de réaliser des travaux d’excavation et d’étançonnement.
  • Évaluer et valider la résistance et le comportement des systèmes d’étançonnement pour les travaux en tranchée pour différentes classes de sols et différentes conditions de chargement.
  • Proposer des enveloppes de poussée des terres qui aident pour le choix d’un système d’étançonnement et qui tiennent compte des caractéristiques des sols, des conditions géologiques et géotechniques, ainsi que des paramètres structuraux du système d’étançonnement.

L’étude se limite aux tranchées et aux excavations d’une profondeur maximale de 6 m, ainsi qu’aux systèmes de soutènement de type « boîte de tranchée » (système dit passif) et de type « étayage » (système dit actif).

La méthodologie de recherche inclut :

  • Une revue de la littérature faisant un bilan des réglementations en vigueur dans différentes juridictions concernant les tranchées et excavations, ainsi que les pressions de terre apparentes sur les soutènements;
  • Des essais de terrain instrumentés (par piézométrie et inclinométrie) sur des tranchées et excavations de pleine grandeur, dans une argile sensible typique du Québec :
    • Une excavation non soutenue de 5 m de profondeur à paroi verticale,
    • Une excavation non soutenue de 4,2 m de profondeur, à paroi talutée (pente de 1,6:1),
    • Une tranchée de 6 m de profondeur soutenue avec une boîte de tranchée en métal instrumentée (cellules de pression et jauges de déformation),
    • Une tranchée de 2,4 m de profondeur soutenue avec des étais hydrauliques et des feuilles de contreplaqué instrumentés (cellules de pression et jauges de déformation);
  • Des essais de caractérisation géotechnique réalisés en partie sur le terrain et en partie en laboratoire pour l’argile du terrain d’essai. Les prélèvements d’argile ont été effectués à l’aide d’échantillonneurs de grand diamètre pour éviter de remanier l’argile;
  • Des simulations numériques réalisées avec des méthodes par éléments finis et par différences finies pour reproduire les résultats obtenus lors des essais de terrain (rétrocalcul) et pour réaliser une étude paramétrique pour les boîtes de tranchée.

Les résultats des simulations numériques pour les excavations non soutenues montrent que les hypothèses de départ (valeurs choisies pour les paramètres géotechniques, méthode de calcul considérée, niveau piézométrique) influencent grandement la valeur du coefficient de sécurité (ou Factor of Safety, FS) calculée. Pour le cas de l’excavation à paroi verticale, le FS est presque toujours inférieur à 1, ce qui correspond à l’effondrement de la paroi verticale observé lors des essais de terrain. Dans le cas de l’excavation non soutenue à paroi talutée, le FS varie de 2,3 à 0,98 suivant les hypothèses de départ. Lors des essais de terrain, la tranchée talutée ne s’est pas effondrée et donc le FS était supérieur à 1, mais sa valeur précise reste inconnue. Les variations observées suivant les hypothèses de départ incitent à la prudence lorsque l’on fait le calcul du FS.

Les essais de terrain pour la tranchée soutenue avec une boîte de tranchée montrent que les valeurs de pression de terre mesurées sur les parois de la boîte sont très supérieures aux courbes de pression classiques qui sont notamment suggérées dans le Code national du bâtiment du Canada ou dans le Manuel canadien d’ingénierie des fondations. Les simulations numériques vont également dans ce sens.

Sur la base des résultats obtenus lors de cette étude, et des informations recueillies dans la revue de la littérature, une classification des sols adaptée aux conditions géotechniques du Québec est proposée (roc et trois classes de sols : A, B et C). Une méthode de reconnaissance rapide des sols est proposée, permettant de classer un site dans la classification proposée. Finalement, des pentes sécuritaires pour les excavations non soutenues et des enveloppes de poussée des terres pour les excavations soutenues sont proposées, en lien avec la classification des sols suggérée.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 0099-5290
Mis en ligne le : 18 novembre 2021
Format : Texte