IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Implantation du cadenassage des équipements mobiles dans le secteur municipal : Étude exploratoire

Résumé

Au Québec, selon l’article 188.2 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST), une procédure de cadenassage, ou à défaut « toute autre méthode qui assure une sécurité équivalente » doit être appliquée lors des interventions hors production dans une zone dangereuse d’une machine. On entend par « interventions hors production » toutes les opérations s’apparentant à celles mentionnées dans l’article 188.2 du RSST. Le but de telles méthodes de travail est de maîtriser les énergies dangereuses associées à l’équipement afin d’éviter toute libération d’énergie intempestive, et donc toutes blessures subséquentes. Les obligations des établissements au Québec concernant le contrôle des énergies dangereuses lors d’interventions hors production ont été précisées, début 2016, par l’ajout des articles 188.1 à 188.13 au RSST.

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a révélé qu’entre 2010 et 2014 près de 4 décès et 1000 accidents ont eu lieu en moyenne annuellement au Québec lors de travaux sur des machines où les énergies ont été mal ou non contrôlées. La plupart de ces accidents auraient pu être évités par l’application de mesures de prévention adéquates telles que le cadenassage ou une mesure équivalente. Les recherches précédentes de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) en cette matière indiquaient néanmoins que les organisations éprouvaient des difficultés lors de l’implantation du cadenassage (ex. : rédaction et application des procédures, audit).

Lors d’une étude précédente, il a été constaté que les équipements mobiles (c.-à-d. machines ou équipements autopropulsés, remorqués ou transportés) sont rarement pris en compte dans les programmes de cadenassage, bien qu’ils soient des sources potentielles d’accidents graves lors de phases hors production. Les obligations réglementaires vis-à-vis du contrôle des énergies dangereuses concernent les équipements mobiles au même titre que les équipements fixes. Ainsi, l’objectif principal de cette étude a été de suivre, d’évaluer et de réviser une démarche d’implantation du cadenassage pour les équipements mobiles en phase hors production dans le secteur municipal. Cette étude appliquée comporte un volet de mise en œuvre pratique.

Les résultats de cette recherche découlent (1) de l’analyse des accidents graves et mortels, (2) de l’analyse de la littérature, (3) de l’analyse des pratiques actuelles du secteur municipal et celles d’un fournisseur et (4) du suivi pendant 18 mois de l’atelier mécanique d’une municipalité lors de son processus d’implantation du cadenassage pour les équipements mobiles. Les problématiques identifiées ont été regroupées et discutées selon quatre thèmes : (1) la conscientisation des intervenants, (2) la gestion de projet pour l’implantation du cadenassage, (3) l’élaboration des procédures de cadenassage et (4) la gestion des interventions utilisant une méthode autre que le cadenassage.

L’analyse des accidents graves et mortels entre 2000 et 2013 a permis de répertorier, tous secteurs confondus, 56 décès au Québec sur des équipements mobiles lors d’une intervention hors production. Ce chiffre représente 7,6 % des rapports d’enquête d’accidents graves et mortels sur la période d’étude. Les interventions étaient pour la plupart improvisées par l’opérateur du véhicule (ex. intervention avec le moteur en marche) ou le mécanicien (ex. problème de calage). Les trois principaux types d’accidents (c.-à-d. chute d’équipement en élévation, pièce en mouvement et équipement mobile en mouvement) sont directement liés à un problème d’application de procédure de type « cadenassage ». La sensibilisation des gestionnaires, des contremaîtres, des mécaniciens et des opérateurs d’équipements mobiles aux dangers lors des interventions hors production sur des équipements mobiles est ainsi primordiale.

La démarche d’implantation de la municipalité participante a été analysée selon le plan d’implantation en 11 étapes proposé par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur « affaires municipales » (APSAM). Les problématiques liées à la gestion du projet d’implantation du cadenassage ont été la disponibilité des ressources, l’ampleur du projet, la résistance aux changements et l’adhésion au projet.

Lors de l’application d’une procédure de cadenassage, le fait d’utiliser la clé d’ignition de l’équipement mobile n’est pas suffisant pour assurer les étapes d’isolement et de condamnation. Son utilisation ne remplace pas l’application d’un cadenas personnel pour deux raisons : les clés d’ignition n’agissent pas sur un dispositif d’isolement des énergies et elles ne sont pas uniques. Il s’agit plutôt d’une méthode alternative. Par ailleurs, l’utilisation d’une liste de contrôle générique à cocher avant l’intervention en lieu et place d’une procédure de cadenassage ne répond pas aux exigences réglementaires. Ainsi, les principaux éléments, qui sont susceptibles de changer les méthodes de travail actuelles des mécaniciens, sont le suivi d’une procédure de cadenassage spécifique, l’utilisation d’un cadenas personnel et la mise en place d’étiquettes d’information.

En ce qui a trait à l’élaboration des procédures de contrôle des énergies, une approche par équipement est proposée dans ce rapport. À la suite de l’inventaire des énergies dangereuses, des points de coupure et des interventions hors production associés à l’équipement, une procédure de cadenassage standard peut être rédigée. Il est ensuite recommandé de cibler les interventions sur l’équipement où un cadenassage standard n’est pas une solution adaptée. Parmi les situations particulières, il est possible de nommer les interventions ayant un besoin en énergie (ex. diagnostic), les interventions mineures de courte durée à l’atelier mécanique (ex. remplacement des essuie-glaces) et les interventions en continuité de production sur le terrain (ex. déblocage de la chute d’une souffleuse à neige). Ces interventions pourront faire l’objet d’une autre méthode de contrôle des énergies que le cadenassage (ex. arrêt sécuritaire) en se basant sur le manuel du fabricant, l’expérience des mécaniciens et une analyse de risque.

L’intégration des résultats et des discussions au plan d’implantation du cadenassage de l’APSAM a été proposée. Des recommandations concernant la formation professionnelle des opérateurs, des mécaniciens et des concepteurs d’équipements mobiles ont également été indiquées. Enfin, il a été suggéré que les fabricants et les fournisseurs d’équipements mobiles au Québec respectent les principes du RSST et de la norme CSA Z460-13, notamment concernant le contenu des manuels à l’intention des utilisateurs et l’intégration de dispositifs de coupure des énergies cadenassables conforme à la norme CEI 60204-1.

La diffusion des résultats de cette recherche contribuera (1) à outiller les organismes et les milieux désireux d’implanter le cadenassage sur leur parc d’équipements mobiles, (2) à outiller les organismes en matière de maîtrise des énergies dangereuses lors de l’achat d’un équipement mobile et (3) à sensibiliser les fournisseurs d’équipements mobiles au cadenassage.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2013-0082
Mis en ligne le : 07 septembre 2017
Format : Texte