IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Portrait statistique des lésions professionnelles indemnisées au Québec en 2015-2016

Résumé

Ce portrait statistique s’inscrit dans un processus de surveillance qui s’appuie sur l’exploitation de données administratives de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et sur des données du recensement de Statistique Canada. Ce processus, qui a débuté il y a plus de 35 ans à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), permet notamment d’identifier des groupes de travailleurs et des industries-catégories professionnelles dont les problèmes de SST sont les plus importants, ce qui constitue une information précieuse pour la planification de la recherche et de la prévention.

Ce rapport présente, pour la période 2015-2016, des indicateurs de risque (taux de fréquence en équivalent temps complet [ETC]), de gravité (durée moyenne d’indemnisation, atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique [APIPP]), de risque-gravité (taux de fréquence-gravité ETC) et de coût pour les lésions professionnelles acceptées et celles avec perte de temps indemnisée (PTI). Les caractéristiques descriptives des lésions sont aussi présentées.

Les indicateurs ont été calculés sur la base du nombre d’employés en ETC. L’utilisation des effectifs en ETC, plutôt qu’en nombre d’individus, permet de tenir compte de l’importance du travail atypique, en particulier du travail à temps partiel ou occasionnel, et des différences qui existent selon l’âge et le sexe. Des indicateurs distincts pour les jeunes travailleurs (15-24 ans), les travailleurs expérimentés (55 ans et plus), les maladies professionnelles et les industries cibles sont également présentés. Par ailleurs, des tableaux de classement des industries-catégories professionnelles pour l’ensemble des travailleurs, ainsi qu’en fonction du sexe et du groupe d’âge, sont présentés dans le rapport annexe.

Évolution

Entre la série d’indicateurs précédente (2010-2012) et l’actuelle (2015-2016), le nombre annuel moyen de lésions professionnelles indemnisées par la CNESST a diminué. Ce phénomène s’inscrit dans la poursuite de la baisse du nombre de lésions amorcée depuis la fin des années 1980. Cependant, la période 2015-2016 marque un point de bascule dans cette tendance. De 2015 à 2019, dernière année pour laquelle des statistiques compilées sont disponibles au moment de la réalisation de la présente étude, le nombre de cas augmente chaque année. Cette tendance n’est toutefois pas spécifique au Québec puisqu’on la retrouve aussi dans l’ensemble du Canada.

Catégorie professionnelle, sexe et groupe d’âge

En 2015-2016, plus de 91 100 lésions ont été acceptées annuellement par la CNESST, dont près de 65 100 lésions avec perte de temps indemnisée. L’analyse par catégorie professionnelle, qui est une classification des professions basée sur l’effort physique déployé par le travailleur, montre que les travailleurs qui occupent des professions manuelles ont un taux de fréquence ETC (5,4 lésions PTI par 100 travailleurs ETC) beaucoup plus élevé que les travailleurs qui occupent des professions non manuelles (0,6 %) ou mixtes (2,5 %), et ce tant chez les hommes que chez les femmes. Par ailleurs, près de 63 % de l’ensemble des lésions professionnelles avec PTI surviennent à des hommes. Cette situation est en bonne partie attribuable au fait que les hommes se retrouvent en plus grande proportion dans des professions où le risque de lésions est plus élevé, soit des professions manuelles.

Bien que, globalement, les hommes aient un taux de fréquence-gravité des lésions professionnelles plus élevé (3,0 jours par travailleur ETC pour les hommes contre 2,2 pour les femmes), ce sont les femmes qui présentent les taux les plus élevés pour chaque catégorie professionnelle. Cet écart tient en grande partie au fait que les hommes et les femmes ne se répartissent pas également entre les catégories professionnelles.

Les analyses selon le groupe d’âge indiquent que, pour la période 2015-2016, la situation des jeunes travailleurs se distingue par un taux de fréquence ETC plus élevé que la moyenne. Cependant, en tenant compte de la catégorie professionnelle, le taux de fréquence ETC des 15-24 ans est plus faible que celui de l’ensemble des travailleurs pour les professions manuelles et mixtes. Le taux de fréquence ETC global plus élevé chez les jeunes s’explique notamment par le fait qu’ils se retrouvent plus souvent dans des professions manuelles et mixtes, des professions associées à un plus grand risque de subir une lésion.

L’analyse de la gravité des lésions selon l’âge montre des écarts entre les travailleurs expérimentés (55 ans et plus) et les plus jeunes. On constate effectivement des durées moyennes d’indemnisation et un coût moyen par lésion qui augmentent avec l’avancée en âge. L’étude met également en lumière certaines différences en ce qui a trait aux descripteurs de lésions professionnelles selon l’âge (siège, nature, genre d’accident, agent causal).

Maladies professionnelles

Les maladies professionnelles, qui représentaient 6 % des lésions acceptées en 2010-2012, représentent environ 10 % des lésions professionnelles acceptées au cours des années 2015-2016, soit environ 9 300 nouveaux cas par année. Ces maladies professionnelles surviennent davantage chez les hommes (8 600 cas) que les femmes (730 cas). Depuis 2010-2012, le nombre de maladies professionnelles a augmenté tandis que le nombre d’accidents du travail a diminué. Moins nombreuses que les accidents du travail, les maladies professionnelles ont toutefois généralement des conséquences plus graves. Ainsi, près de 72 % des employés ayant eu une maladie professionnelle ont une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP). De plus, leur durée moyenne d’indemnisation (calculée pour les 7,3 % des cas ayant une perte de temps indemnisée) est environ trois fois plus longue que pour l’ensemble des lésions avec PTI. Globalement, 89 % des maladies professionnelles sont des troubles de l’oreille. Ceux-ci représentent la majorité des maladies professionnelles chez les hommes (92 %) ainsi que chez les femmes (61 %).

Coût des lésions professionnelles

Le coût des lésions professionnelles constitue une mesure globale de l’impact des lésions professionnelles, en considérant à la fois les coûts financiers et humains assumés par les employeurs, les travailleurs et la collectivité. Le coût des lésions professionnelles acceptées survenues au cours d’une année est estimé à 5,98 milliards de dollars ($ de 2016), en moyenne, pour la période 2015-2016. Le coût moyen d’une lésion professionnelle s’élève à 65 550 $. Le coût moyen d’une maladie professionnelle (218 050 $) est environ 4,5 fois supérieur à celui d’un accident (48 140 $). L’exposition au bruit et l’exposition à une substance nocive sont les genres d’accident ou d’exposition qui engendrent les coûts moyens par lésion les plus élevés. L’exposition au bruit ainsi que les chutes au même niveau, glisser, trébucher sont les genres d’accident ou d’exposition qui occasionnent les coûts totaux par année les plus élevés.

Groupes cibles

Certaines industries moins fréquemment ciblées se démarquent uniquement lorsque l’indicateur est produit en tenant compte de la catégorie professionnelle. Ainsi, dans un processus de détermination de priorités de recherche ou de prévention, il est important d’identifier les industries-catégories professionnelles qui présentent les risques les plus élevés en termes de SST.

Les 5 industries-catégories professionnelles qui se retrouvent le plus souvent parmi l’ensemble des 16 tableaux de classement produits sont les travailleurs manuels des entrepreneurs spécialisés de la construction, du transport par camion, de la fabrication de produits en plastique et en caoutchouc, des administrations publiques locales, municipales et régionales et de l’extraction minière et l’exploitation en carrière (sauf l'extraction de pétrole et de gaz). 

Chaque indicateur permet d’analyser les impacts des lésions sous un angle particulier. Toutefois le taux de fréquence-gravité ETC et le coût moyen par ETC ont l’avantage de tenir compte à la fois du risque et de la gravité des lésions, ils sont donc à privilégier. Les 20 industries-catégories professionnelles ayant les taux de fréquence-gravité ETC des lésions avec PTI les plus élevés représentent 9 % de la main-d'œuvre, mais 28 % des lésions avec PTI. En ce qui a trait au classement selon le coût moyen par ETC, les groupes identifiés représentent 7 % de la main-d’œuvre, mais 23 % des coûts totaux. Ces indicateurs ont donc toute leur pertinence pour identifier les regroupements de travailleurs les plus affectés par les lésions professionnelles indemnisées par la CNESST.

Informations complémentaires

Catégorie : Portrait statistique
Auteur(s) :
Mis en ligne le : 28 mars 2022
Format : Texte