IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Réduire l’exposition des travailleurs aux gaz, odeurs, poussières et agents pathogènes humains présents dans les bâtiments porcins

Résumé

Les éleveurs de porcs du Québec sont quotidiennement exposés à d’importantes quantités de gaz, d’odeurs, de poussières et de bioaérosols. Par conséquent, ils sont à risque de développer des problèmes respiratoires (ex. asthme) ainsi que des maladies infectieuses telles qu’une méningite à Streptococcus suis. Le risque de développer un problème de santé est lié au nombre d’heures passées à l’intérieur des bâtiments d’élevage ainsi qu’aux concentrations des différents contaminants. De plus, les travailleurs peuvent être en contact avec des bactéries résistantes aux antibiotiques soit des bactéries sélectionnées par l’emploi d’agents antimicrobiens utilisés lors de l’engraissement des animaux. Finalement, de par l’inhalation des bioaérosols, la flore nasopharyngée des éleveurs de porcs peut contenir des bactéries ou des gènes de résistance aux antibiotiques présents dans l’air des bâtiments d’élevage. Actuellement, le risque d’exposition par l’air et celui d’une colonisation des éleveurs de porcs québécois à certains agents pathogènes humains ou à des bactéries résistantes au zinc et à des antibiotiques d’importance pour la santé des travailleurs est inconnu.

Plusieurs technologies permettent de diminuer les concentrations de gaz, d’odeurs ou de poussières à l’intérieur des bâtiments, mais il n’y a aucune donnée ni sur la réduction des bioaérosols ni sur l’effet synergique de leur combinaison. L’objectif général de la présente recherche consistait à proposer à l’industrie porcine du Québec une solution efficace et économiquement viable de réduction des contaminants de l’air, afin de protéger la santé de ses travailleurs.

Les résultats de ce projet ont permis de démontrer la présence de plusieurs pathogènes humains et de gènes de résistance à la fois dans les bâtiments d’élevages porcins et dans la flore nasopharyngée des travailleurs. L’air des dix élevages de porcs du Québec à l’étude comportait d’importantes concentrations en poussières totales, en endotoxines et en bactéries cultivables et totales. Les concentrations en poussières totales n’ont toutefois jamais été supérieures à celle normée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, soit 10 mg/m3. Parmi les agents pathogènes humains, S. aureus a été le plus fréquemment trouvé dans les bioaérosols des dix élevages de porcs ,et contrairement aux autres bactéries à l’étude, à des quantités semblables d’un bâtiment à un autre. Les autres pathogènes analysés (Salmonella spp., C. difficile et M. avium) ont tous été trouvés dans l’air des porcheries, mais moins fréquemment que S. aureus. Les gènes de résistance au zinc et au cadmium (czrC) se retrouvaient dans les bioaérosols de tous les élevages de porcs. La présence de gènes de résistance blaCTX-M-1 (bêta-lactamase à spectre étendu) dans l’air de 60 % des élevages est problématique d’un point de vue de la santé publique considérant que les céphalosporines de 3e génération, des bêta-lactames, sont employées dans les hôpitaux afin de soigner de sévères infections telles que les méningites bactériennes. Finalement, des gènes de résistance à la colistine ont aussi été détectés dans 60 % des porcheries échantillonnées.

La présence d’agents pathogènes humains et de gènes de résistance au zinc et aux antibiotiques a été évaluée par PCR dans la flore nasopharyngée de producteurs de porcs et de sujets non exposés. L’analyse des résultats a révélé une prévalence plus élevée des différents agents biologiques chez les éleveurs. De plus, il a été possible d’établir une corrélation entre la diversité bactérienne de la flore nasopharyngée des travailleurs de porcheries et celle des bioaérosols trouvés dans les bâtiments d’élevages porcins. Ces résultats sont parmi les premiers à corréler la composition microbienne de la flore nasopharyngée de personnes exposées avec celle de la source d’exposition.

Trois stratégies ont été testées seules et en combinaison pour réduire les gaz, les odeurs, les poussières et les bioaérosols : 1) la séparation à la source des phases liquide et solide des déjections, 2) l’aspersion d’huile, 3) la filtration de l’air sortant du bâtiment d’élevage. Les essais à l’échelle du laboratoire ont permis de démontrer que la séparation du lisier peut réduire la concentration d’ammoniac dans les bâtiments et que l’unité de traitement de l’air permet de diminuer davantage les émissions à la sortie du bâtiment. Pour les poussières et les bioaérosols, l’aspersion d’huile et la filtration de l’air ont présenté de très bonnes performances, mais leur combinaison n’a pas permis une réduction supplémentaire. Pour les odeurs, l’aspersion d’huile et la séparation du lisier ont permis une certaine réduction, mais c’est le système de traitement de l’air qui a été le plus efficace.

À la suite de l’analyse des résultats, un comité d’experts a conclu que, pour protéger à la fois la santé des travailleurs à l’intérieur des bâtiments et celle des résidents ruraux, les trois stratégies devraient être utilisées simultanément. Il n’a pas été possible de trouver un bâtiment existant adéquat pour valider ces technologies à l’échelle commerciale. Toutefois, des essais à l’échelle précommerciale ont permis de démontrer, en partie, le potentiel de la combinaison des trois stratégies pour la réduction des contaminants de l’air.

En conclusion, il a été possible de réduire significativement les contaminants de l’air dans les bâtiments porcins et les émissions dans l’environnement en combinant différentes stratégies. L’implantation de ces stratégies dans un bâtiment commercial permettrait de réduire les risques pour la santé des travailleurs. Cependant, pour favoriser leur adoption par les producteurs, il serait pertinent d’effectuer une analyse économique pour connaître le potentiel commercial de ces stratégies de réduction des contaminants de l’air.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Matthieu Girard
  • Caroline Duchaine
  • Stéphane Godbout
  • Ariane Lévesque
  • Valérie Létourneau
  • Stéphane P. Lemay
Projet de recherche : 2014-0058
Mis en ligne le : 11 octobre 2019
Format : Texte