IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Cartouches de protection respiratoire contre les gaz acides ─ Établissement des performances en laboratoire avec le dioxyde de soufre

Résumé

L’exposition des travailleurs aux contaminants aéroportés doit être maîtrisée et maintenue en deçà des valeurs limites réglementaires. Lorsque l’ensemble des mesures administratives, d’ingénierie et de protection collective ne permet pas d’atteindre des niveaux d’exposition sans danger pour leur santé, les travailleurs concernés doivent être équipés d’appareils de protection respiratoire (APR). En l’absence de situations de danger immédiat pour la vie et la santé (DIVS), des APR à épuration d’air sont utilisés. Dans le cas des contaminants gazeux, ou des vapeurs, ces APR sont munis de cartouches remplies d’adsorbants. Se pose alors la question du temps de service de ces cartouches. Pour les vapeurs organiques, des modèles prédictifs des temps de claquage sont utilisés, à l’image de Saturisk (http://www.irsst.qc.ca/saturisk/). Pour la famille des gaz acides, comprenant notamment le chlorure d’hydrogène (HCl), le fluorure d’hydrogène (HF), l’hydrogène sulfuré (H2S), le chlore (Cl2), le dioxyde de chlore (ClO2) ou le dioxyde de soufre (SO2), les connaissances sont si limitées qu’il n’existe pas encore, à la connaissance des auteurs, de tels outils.

Ainsi, l’objectif de ce projet était de déterminer les performances de cartouches de protection respiratoire contre les gaz acides et les effets de variables environnementales sur le temps de service. Le dioxyde de soufre a été choisi comme gaz témoin.

La littérature disponible traitant de l’épuration du SO2 dans l’air suggère un mécanisme de chimisorption quand du charbon actif ou des fibres de carbone activé sont utilisés. Le SO2, en présence d’oxygène et d’eau, serait oxydé en acide sulfurique (H2SO4) au sein même de l’adsorbant.

Afin de mener les expérimentations, une sélection de cartouches a d’abord été effectuée. L’examen des cartouches approuvées pour la protection contre les gaz acides à partir de la Certified Equipment List (https://wwwn.cdc.gov/niosh-cel/) du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) a permis de constituer un échantillon de 10 cartouches protégeant uniquement contre les gaz acides. Les essais de claquage réalisés avec ces cartouches en conditions de certification ont mis en évidence des courbes aux allures variées et des temps de claquage dispersés.

Une caractérisation des imprégnants métalliques des charbons, censés catalyser l’oxydation du SO2, a permis de regrouper de manière préliminaire les cartouches en 3 familles, sur la base de leur profil d’imprégnation. Une famille s’est distinguée avec de fortes teneurs en cuivre et en zinc, alors qu’une autre ne présentait quasiment aucun des métaux recherchés. Bien que préliminaire, cette caractérisation a mis de l’avant des stratégies différentes de piégeage du SO2, selon les manufacturiers.

Avec trois cartouches choisies pour leur profil d’imprégnation et leur temps de claquage différents, l’effet de la concentration a été mesuré. Globalement, les cartouches contre les gaz acides semblent, dans nos conditions d’essais, beaucoup plus sensibles au changement de concentration de contaminants que les cartouches contre les vapeurs organiques. Même si, pour les vapeurs organiques, il est admis qu’une baisse de la concentration d’un facteur 10 entraine une augmentation du temps de service d’un facteur 5, une baisse de la concentration en SO2 d’un facteur 10 entrainerait une augmentation du temps de service d’un facteur d’environ 15.

L’effet de l’humidité relative (HR) sur le piégeage du SO2 est majeur. Elle favorise grandement la rétention du SO2, car elle intervient dans la réaction de chimisorption. À faible humidité relative, les profils des courbes de claquage des cartouches, sans ou à faible imprégnation métallique mesurée, sont atypiques et présentent des paliers d’adsorption hors de l’état de saturation. En se basant sur des phénomènes similaires observés avec des lits d’adsorbants divers, une hypothèse propre aux cartouches de l’étude a été proposée pour expliquer ce phénomène. Les expérimentations à différents débits d’air confirment que la cinétique de chimisorption du SO2 peut l’expliquer partiellement. Les essais d’utilisation intermittente des cartouches montrent que le stockage des cartouches contre les gaz acides n’est pas problématique, le temps de service n’est pas affecté. La chimisorption semble irréversible.

L’équation de Wheeler-Jonas, utile pour calculer des temps de service dans le cas des vapeurs organiques, n’est pas directement applicable dans le cas du SO2 ou d’autres gaz acides, du fait des courbes à paliers obtenues pour certaines cartouches. Elle permet cependant de bien décrire l’évolution du temps de claquage en fonction de la concentration. Avant de pouvoir l’utiliser en routine pour calculer des temps de service, la connaissance approfondie des réactions se produisant dans les cartouches est essentielle. Cette connaissance permettra de mieux comprendre l’évolution de la capacité réactionnelle des cartouches selon les conditions ambiantes d’utilisation. Il faudra également s’assurer que le taux d’adsorption du SO2 est calculable à partir des expressions empiriques disponibles et établies pour des vapeurs organiques, avec suffisamment de justesse.

 

 

 

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Ludovic Tuduri
  • Adrien Debernardi
  • Yves Cloutier
  • Brigitte Roberge
  • Jaime Lara
Projet de recherche : 2014-0003
Mis en ligne le : 09 octobre 2019
Format : Texte