IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Analyse des différences de durées d’indemnisation selon le sexe et le groupe d’âge

Résumé

Les indicateurs statistiques de santé et de sécurité du travail produits depuis plusieurs années par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) montrent que la durée moyenne d’indemnisation des lésions professionnelles ayant occasionné une perte de temps indemnisée (PTI) a presque doublé en 15 ans, passant de 57 jours en 1995-1997 à 101 jours en 2010-2012. Alors que l’écart de durées moyennes d’indemnisation entre les femmes et les hommes s’amenuise au fil des années (les femmes ayant toujours eu une valeur supérieure à celle des hommes), celui entre chaque groupe d’âge change très peu.

La présente étude vise à identifier, pour la période 2005-2012, les facteurs les plus fortement liés aux écarts de durées moyennes d’indemnisation observés selon le sexe ou le groupe d’âge, ainsi que ceux associés à l’augmentation de la durée moyenne d’indemnisation au fil des années. Les analyses se basent principalement sur des tests de comparaison de durées moyennes d’indemnisation (test-T et ANOVA) ainsi que sur des régressions linéaires multivariées. Outre le sexe, le groupe d’âge et l’année de survenue de la lésion, les facteurs retenus incluent notamment la catégorie de dossier (accident du travail ou maladie professionnelle), la présence d’un trouble musculosquelettique (TMS), l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP), le paiement de certaines catégories de débours (une somme positive de débours au sein de certaines catégories comptables, dont celles de réadaptation), l’industrie, la catégorie professionnelle et la taille de l’employeur (basée sur la masse salariale assurable).

En 2005-2012, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)[1] a reconnu et accepté plus de 105 400 lésions professionnelles en moyenne par année. De ce nombre, près de 76 % ont généré une PTI, proportion qui varie de 63 % à 80 % selon le sexe ou le groupe d’âge. Par ailleurs, les hommes comptent pour 69 % des lésions avec PTI, alors que les 25-34 ans et les 35-54 ans représentent respectivement 22 % et 50 % des cas.

Selon le sexe ou le groupe d’âge, la proportion relative de cas ayant au plus 14 jours indemnisés varie de 42 % à 60 %, alors que celle pour les cas ayant plus de 365 jours oscille de 2 % à 12 %. Il convient de noter que ces cas ayant plus de 365 jours comptent pour 60 % à 82 % des jours indemnisés. Si les femmes ont une durée moyenne d’indemnisation un peu plus élevée que celle des hommes (97,2 jours et 92,1 jours respectivement), la variation est plus importante par groupe d’âge. De 45,7 jours pour les 15-24 ans, la durée moyenne d’indemnisation atteint 137,4 jours pour les 55 ans et plus.

Pour l’analyse portant sur l’identification des principaux facteurs à l’origine des écarts observés entre les sexes et les groupes d’âge, bien qu’il y ait une différence statistiquement significative pour la très grande majorité des facteurs, la taille d’effet associée est généralement très faible, voire nulle. L’existence d’une APIPP, le recours à la réadaptation ainsi que la catégorie comptable associée au versement de débours d’indemnités de remplacement du revenu (IRR) ou de frais d’assistance médicale constituent les facteurs les plus fortement associés à la durée d’indemnisation. L’utilisation d’une régression linéaire multivariée montre que la présence de réadaptation est le principal facteur associé à la durée d’indemnisation des lésions professionnelles avec PTI. Le deuxième facteur est la présence de débours d’IRR en raison de la non-disponibilité d’un emploi convenable.

Bien qu’elle n’ait pas été considérée en tant que telle comme un facteur, la répartition relative (la structure) des lésions avec PTI propre à chaque sexe ou groupe d’âge selon l’un ou l’autre des facteurs montre parfois des éléments expliquant les écarts observés. À cet effet, grâce à des simulations pour lesquelles les différences de répartition par sexe ou par groupe d’âge sont contrôlées (éliminées) pour les facteurs analysés, des durées moyennes d’indemnisation standardisées ont été calculées. Les écarts de durées moyennes d’indemnisation entre sexes et groupes d’âge qui en découlent sont généralement plus petits que ceux observés. Cela indique que les écarts de durée observés entre sexe ou groupe d’âge découlent principalement d’une différence dans la répartition relative des lésions selon les facteurs analysés.

Pour la simulation contrôlant les différences de proportion de lésions avec des débours de réadaptation, la durée moyenne d’indemnisation standardisée des femmes est légèrement inférieure à celle des hommes, ce qui est l’inverse des valeurs observées. Pour les groupes d’âge, bien que les écarts demeurent, ils sont bien moindres que ceux observés. En contrôlant simultanément la structure de plusieurs facteurs, la durée moyenne d’indemnisation standardisée des femmes est environ 3 jours inférieure à celle des hommes, tandis que l’écart entre les 15-24 ans et les 55 ans et plus n’est plus que de 19 jours, soit nettement moins que les 90 jours observés. Ainsi les différences de répartition par catégorie, pour les facteurs analysés, expliquent la plus grande part des écarts entre les durées d’indemnisation observées des femmes et des hommes, et entre celles des groupes d’âge,

Il ressort de toutes ces simulations que la durée moyenne d’indemnisation supérieure des femmes, comparée à celle des hommes, est fortement associée à une proportion plus élevée de lésions comportant des débours de réadaptation pour les femmes (8,4 %) que celle des hommes (7,3 %). Cela vaut également pour les groupes d’âge, les 15-24 ans ayant une proportion de lésions avec des débours de réadaptation largement inférieure à celles des 55 ans et plus (2,6 % contre 11,3 %). Cela étant, il convient de mentionner que la durée moyenne d’indemnisation des cas ayant eu de la réadaptation est l’une des rares à avoir diminué de 2005 à 2012, ce qui a contribué à modérer l’augmentation de la durée moyenne d’indemnisation.

En ce qui concerne l’analyse de l’évolution de la durée moyenne d’indemnisation de 2005 à 2012, les tests statistiques montrent que la force de l’association entre l’année de survenue de la lésion et la durée moyenne d’indemnisation, bien que statistiquement significative, est minime. Devant ce constat, de nouvelles durées moyennes standardisées ont été calculées selon les différents facteurs analysés, cette fois en contrôlant le changement observé de 2005 à 2012 de la répartition relative des lésions par sexe ou par groupe d’âge. Il ressort que le changement de la proportion de lésions ayant généré des débours de réadaptation et celle des cas avec APIPP ont contribué le plus à l’augmentation de la durée moyenne d’indemnisation au fil des années. Globalement, n’eussent été des changements dans la répartition des lésions avec PTI selon les différents facteurs, la durée moyenne d’indemnisation par sexe ou par groupe d’âge aurait augmenté au plus de 4 jours de 2005 à 2012, plutôt que de 8 à 20 jours comme observé.



[1]     Le 1er janvier 2016, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), la Commission des normes du travail (CNT) et la Commission de l’équité salariale (CES) ont été regroupées pour former la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

 

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2015-0031
Mis en ligne le : 18 avril 2019
Format : Texte