IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Évaluation de méthodes de prélèvement et de caractérisation de nanomatériaux manufacturés dans l'air et sur des surfaces des milieux de travail

Résumé

La surveillance des niveaux de contamination de l’air par des nanomatériaux manufacturés (NMM) est une démarche complexe qui présente plusieurs incertitudes et limites notamment : la présence simultanée de particules de dimensions nanométriques qui ne sont pas des NMM, l’absence d’instruments validés permettant une mesure en zone respiratoire et la multiplicité des indicateurs à apprécier. Certains organismes, dont l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en France et l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) au Québec soulignent aussi la nécessité de réaliser des prélèvements surfaciques afin d’attester la présence de dépôts de NMM. Le perfectionnement des techniques existantes et l’élaboration de nouvelles méthodes de prélèvement et de caractérisation des NMM sont donc nécessaires en vue d’une meilleure évaluation globale du risque d’exposition des travailleurs. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce projet dont l’objectif général est de développer des approches méthodologiques originales permettant une caractérisation poussée de l’exposition aux NMM dans les milieux de travail, sur les plans qualitatif et quantitatif.

Le projet est fondé sur la mise en œuvre de deux volets d’investigation complémentaires : un volet expérimental et un volet-terrain. Le premier [volet A - expérimental] avait pour objet l’examen, dans des conditions contrôlées en laboratoire, de différents dispositifs de collecte et d’analyse lors de la génération de nanoparticules (NP) de dioxyde de titane (TiO2). Le second [volet B – terrain] consistait en une série de neuf interventions adaptées à différents milieux de travail en vue de tester divers appareils et procédures d’analyse ainsi que de mesurer des niveaux d’exposition des travailleurs québécois aux NMM.

Les méthodes investiguées pour la caractérisation des aérosols et des dépôts surfaciques incluent : (i) l’utilisation de divers instruments à lecture directe (ILD) (ex. : compteurs à noyau de condensation (CNC), compteurs optiques (OPC), photomètres laser, spectromètres de diamètre aérodynamique et de mobilité électrique); (ii) la microscopie électronique à transmission (MET) ou à balayage (MEB) à partir de différents dispositifs d’échantillonnage, tel que le préleveur de nanoparticules – Mini Particle Sampler® (MPS); (iii) les mesures de carbone élémentaire (CE); (iv) la spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif (ICP-MS) et (v) la spectrométrie Raman.

Les milieux investigués couvraient une variété de domaines (ex. : électronique, produits manufacturés, imprimerie, construction, énergie, recherche et développement) et ont inclus aussi bien des producteurs que des utilisateurs ou intégrateurs de NMM. Dans ces milieux de travail, nous avons retrouvé des matériaux carbonés comme les nanotubes de carbone (NTC) - simple paroi (SWCNT) ou multiparoi (MWCNT) -, des nanofibres de carbones (NFC), des nanométaux ou oxydes métalliques (TiO2, SiO2, oxydes de zinc, lithium de fer phosphate, titanate, oxydes de cuivre), des nanoargiles et de la nanocellulose.

Le projet a permis un avancement des connaissances sur les évaluations professionnelles aux NMM en documentant spécifiquement certaines tâches et procédés industriels (ex. : imprimerie et vernissage) ou certains NMM encore peu évalués (ex. : nanocellulose).

Les investigations effectuées nous amènent à proposer une stratégie permettant une évaluation plus précise des expositions aux NMM, en recourant à des techniques nécessitant un minimum de manipulations préanalytiques. La méthode recommandée consiste à effectuer, en deux temps, des évaluations systématiques des milieux de travail qui produisent et utilisent des NMM. Dans un premier temps, des évaluations utilisant deux différents ILD, soit le CNC et le photomètre-laser, ainsi que la collecte d’échantillons à analyser subséquemment en microscopie (MPS + MEB/MET) doivent permettre d’établir formellement qu’elles sont les tâches de travail qui génèrent des NMM. Dans un deuxième temps, lorsque l’exposition des travailleurs est confirmée, une quantification spécifique aux NMM détectés doit être entreprise. Pour approfondir la caractérisation de ces expositions, on retiendra les résultats suivants :

  1. les premiers essais concluants d’une technique de quantification par ICP-MS du contenu en oxydes métalliques d’échantillons prélevés en milieu de travail;
  2. la possibilité de combiner différentes techniques de prélèvement avec les recommandations du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) pour la mesure du carbone élémentaire comme indicateur de celle des NTC/NFC, mais également la limite de cette méthode associée à des interférences constatées avec les particules de noir de carbone nécessaires pour la synthèse des matériaux carbonés (ex., à l’un des sites investigués, la spectrométrie Raman a révélé que moins de 6 % des particules déposées sur les grilles de microscopie étaient des SWCNT);
  3. les avantages évidents de l’utilisation du MPS (au lieu des traditionnelles cassettes 37 mm comme support aux grilles d’analyses microscopiques) qui permet une quantification des matériaux;
  4. la grande influence du temps d’échantillonnage qui, induisant une surcharge des grilles d’analyses microscopiques, peut entraîner une surestimation des tailles moyennes des agglomérats de particules et une sous-estimation des concentrations de particules; et
  5. la faisabilité et la pertinence des analyses surfaciques effectuées avec des pompes d’échantillonnage ou de façon passive par diffusion sur des grilles de microscopie, pour évaluer la dispersion des NMM dans les milieux de travail.

Ces résultats originaux offrent des perspectives intéressantes pour l’évaluation des expositions aux NMM mais identifient également un certain nombre de limites en lien avec ces évaluations. L’amélioration des méthodes d’échantillonnage/d’analyse permet de mieux comprendre les expositions aux NMM et d’adapter les moyens de maîtrise à mettre en place afin de limiter le plus possible les expositions professionnelles.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Maximilien Debia
  • Gilles L’Espérance
  • Cyril Catto
  • Philippe Plamondon
  • André Dufresne
  • Claude Ostiguy
Projet de recherche : 2013-0059
Mis en ligne le : 07 mars 2017
Format : Texte