IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Vers l’amélioration des services et des soins palliatifs de fin de vie - Adapter et implanter des programmes de soutien en milieu de travail et évaluer leur effet sur la satisfaction, le sens au travail et le bien-être des infirmières (SATIN II)

Résumé

Ce rapport de recherche est rédigé à un moment clé de l’organisation des soins palliatifs (SP) et des soins de fin de vie (SFV) au Québec. Avec le vieillissement de la population et l’ampleur des maladies chroniques, l’intégration d’une approche palliative aux services de santé est une nécessité. Pour le moment, l’accès à des SP et des SFV intégrés à l’ensemble des services de santé demeure restreint. Au Québec, les SFV sont incorporés aux soins curatifs et on retrouve peu d’unités de SP spécialisés. Selon ce choix organisationnel, les infirmières et les cliniciens vivent un contexte de travail particulier, car ces professionnels ont à prodiguer dans un temps restreint à la fois des soins curatifs parfois complexes et des SFV (approche mixte). Dans ces milieux où la visée curative domine, la mort est souvent perçue comme un échec. Le projet SATIN I, sur lequel prend assise ce projet, a décrit comment cette situation crée des sources de stress et d’insatisfaction au travail chez les infirmières qui doivent conjuguer leurs tâches avec les sentiments intenses associés à des deuils multiples et à des morts douloureuses, notamment dans les secteurs hautement technologiques comme ceux de l’oncologie et des soins intensifs. Des conflits de valeurs et une souffrance éthique ont été décrits. S’ajoutent à cela d’autres facteurs de risque psychosociaux (FRPS) comme le manque d’autonomie et l’intensification du travail, ce qui affecte la satisfaction et le bien-être. Avec la Loi concernant les soins de fin de vie, l’organisation des SP et des SFV se déploie enfin. Les résultats de la présente étude mettent en relief la nécessité de prendre en compte non seulement l’organisation des services de SP et de SFV, mais aussi la capacité d’adaptation des acteurs.

Le projet SATIN II propose l’étude de quatre programmes de soutien en milieu de travail. Ces initiatives ont pour but l’amélioration de la satisfaction et du bien-être au travail ainsi que la diminution des FRPS chez des infirmières et des cliniciens qui assurent les SFV. La démarche est guidée par les recommandations du Medical Research Council (MRC-UK) afin d’encadrer l’élaboration, l’implantation et l’évaluation des interventions, selon deux phases. L’objectif principal de la phase I est l’élaboration d’une intervention permettant d’intégrer aux pratiques en cours une approche palliative aux unités de soins. La phase II inclut à la fois l’évaluation de la faisabilité et de l’impact de l’intervention ainsi qu’un prétest de cet impact sur certains indicateurs (satisfaction, bien être et FRPS).

L’étude 1 vise l’intégration d’une approche palliative au sein de deux unités de soins intensifs (USI) d’un même centre hospitalier (site A et B). Les SFV et les soins centrés sur la personne ont été retenus comme modèles de soins. Au moment de finaliser cette étude, le processus d’implantation était encore en cours. La majorité des participants se familiarisait avec les composantes de l’intervention. Une attitude favorable envers le contenu et le processus d’implantation se dégageait, surtout quant à la démarche participative et au processus de consultation associé. L’impact sur les pratiques cliniques se manifeste par une sensibilisation aux valeurs et l’amorce d’un univers de significations partagées, une perception de l’humanisation des soins et une ouverture à la collaboration interprofessionnelle, quoique cela demeure fragile et s’observe davantage dans un site. À cette étape, la mise en œuvre de l’intervention n’est pas encore associée à une réduction ou à l’élimination des FRPS au travail, ni à la satisfaction et au bien-être des participants. L’amélioration des compétences en SP est toutefois observée.

L’étude 2 vise l’intégration d’une approche palliative tôt après le diagnostic d’un cancer du poumon. L’approche de soins de soutien centrés sur la personne a été retenue comme modèle de soins. Deux cliniques externes en oncologie d’un même centre hospitalier ont été sélectionnées comme milieu d’implantation. D’autres secteurs non dédiés uniquement à l’oncologie mais constituant des secteurs de la trajectoire de soins de la clientèle ciblée, ont été invités à participer à certaines activités du programme afin de favoriser l’intégration de l’approche à l’ensemble de la trajectoire de soins. L’étude de besoins réalisée en début de projet a démontré que la clientèle a des besoins en information et en soutien émotionnel qui demeuraient insatisfaits. Les cliniciens et gestionnaires ont manifesté le désir d’être soutenus pour mieux y répondre. Une intervention a été élaborée, en collaboration avec le milieu, proposant l’utilisation concertée d'outils de soins de soutien centrés sur le patient touché par le cancer du poumon et ses proches. Le processus d’implantation a cependant connu plusieurs difficultés et il n’a donc pas été possible d’en évaluer vraiment les impacts. L’acceptabilité du contenu et de la pertinence de l’intervention, ainsi que des défis précis à relever pour réaliser l’implantation a été documentée.

L’étude 3 vise l’intégration d’une approche palliative de SP et de SFV à une USI d’un centre hospitalier (différent de l’étude 1). Les SP et les SFV ont été retenus comme modèles de soins. L’intervention inclut un volet formation en ligne et une activité d’intégration. Malgré un contexte défavorable (restriction budgétaire, abolition d’un poste, déménagement anticipé) et en dépit du fait que l’élaboration de l’intervention ait nécessité plus d’efforts et de temps que prévu (à l’instar des autres études considérant les réorganisations massives dans le réseau de la santé), la courte durée de l’implantation a tout de même permis une évaluation favorable, tant sur le plan qualitatif que quantitatif (amélioration des compétences en SP, diminution de la demande émotionnelle). L’activité d’intégration interdisciplinaire et la flexibilité de la formation en ligne sont perçues comme des solutions innovantes et appréciées. L’approche participative est particulièrement prisée ainsi que le matériel éducatif en lien avec les besoins des cliniciens.

L’étude 4 a mis à contribution une des équipes pionnières en SP spécialisés du Québec. Au départ, le soutien émotionnel aux soignants a été ciblé. Le but de l’intervention a dû être revu afin de prendre en compte les nombreuses pressions associées au contexte organisationnel de restructuration et de relocalisation de l’unité de SP. Une intervention ciblant la résilience de l’équipe (exploration des valeurs collectives) et le soutien émotionnel des soignants (capacité de présence et recherche de sens) a été élaborée. Malgré le contexte imminent du déménagement, l’évaluation qualitative fait ressortir plusieurs effets favorables, soutenus sur le plan quantitatif par l’amélioration d’indicateurs (intensité du travail et demande émotionnelle). L’étude présente une solution innovante permettant la combinaison de facteurs organisationnels et individuels.

Intégration. Les résultats quantitatifs soutiennent partiellement l’hypothèse qu’une intervention intégrant une approche palliative selon une démarche participative permette l’amélioration de la satisfaction et du bien-être ainsi que la diminution de FRPS. Le macro contexte et les nombreux obstacles accréditent des hypothèses alternatives expliquant en partie les résultats nuls observés. Les résultats qualitatifs documentent des effets favorables sur plusieurs de ces indicateurs (satisfaction et FRPS). L’ensemble de l’évaluation met en relief la pertinence de la démarche participative et l’implication active des cliniciens à toutes les étapes de réalisation. Les résultats encouragent à poursuivre les efforts de coconstruction entre cliniciens et gestionnaires afin d’offrir des SP et des SFV de qualité. Adoptée en juin 2014 par l’Assemblée nationale du Québec, la Loi concernant les soins de fin de vie donne le droit à tous les Québécois d’avoir accès à de tels services. En encourageant le personnel soignant en SP et en SFV, et en démontrant avec eux la faisabilité d’intégrer de diverses façons une approche palliative à différents secteurs de soins, le projet SATIN II constitue un pas en avant.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Lise Fillion
  • Manon Truchon
  • Michel L’Heureux
  • Lyse Langlois
  • Jean-François Desbiens
  • Céline Gélinas
  • Mélanie Vachon
  • Diane Tapp
  • Michèle Aubin
  • Sébastien Simard
  • Lise Tremblay
  • Pierre Gagnon
  • Dumont Serge
  • Geneviève Roch
  • Richard Bradet
  • Sandy Lavoie
  • Robitaille Marie-Anik
  • Anne-Marie Veillette
Projet de recherche : 2011-0034
Mis en ligne le : 20 janvier 2017
Format : Texte