IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Analyse d’un protocole d’intervention post-traumatique et de mesures de gestion associées au Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire

Résumé

L’importance des états de stress post-traumatique (ÉSPT) en milieu de travail est indéniable. Les statistiques de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) pour la période 2002 à 2004 indiquent que les travailleurs aux prises avec un ÉSPT ont entraîné des débours de 17 747 600 $ ce qui est considérablement supérieur à ceux relatifs au stress et à l’anxiété (7 724 669 $), aux états dépressifs (3 626 814 $) et à l’épuisement professionnel (797 165 $). Par ailleurs, l’ÉSPT entraîne des répercussions sur le fonctionnement psychosocial, le retour au travail et la qualité de vie des personnes atteintes. Malgré ces conséquences, rares sont les études qui ont évalué l’efficacité des interventions pour prévenir les ÉSPT et leurs résultats demeurent peu probants. Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire (CJM-IU), par sa mission d’aide, de protection et ses clientèles en difficultés présente un potentiel élevé d’exposition à des événements traumatiques. C’est dans ce contexte que le CJM-IU a conçu, en 1999, une intervention comprenant un protocole d’intervention post-traumatique (IPT) et des mesures de gestion associées, afin de prévenir et d’atténuer le développement de réactions post-traumatiques, d’état de stress aigu et d’état de stress post-traumatique chez les travailleurs ayant vécu de tels événements. Conscient de l’importance d’élaborer des interventions efficaces, le CJM-IU s’est engagé dans un processus visant à les évaluer scientifiquement.

L’objectif général de la recherche est de documenter les services offerts aux travailleurs victimes d’événements à potentiel traumatique et de connaître l’efficacité de l’intervention réalisée par le CJM-IU. La Phase I, l’objet de ce rapport, vise à décrire l’intervention du CJM-IU en contexte réel d’application, à en dégager la théorie sous-jacente et à documenter les interventions alternatives présentes dans les autres Centres jeunesse du Québec. La phase II visera à évaluer l’impact de l’intervention sur les travailleurs victimes d’événements traumatiques et fera l’objet d’un projet subséquent.

La phase I est exploratoire et descriptive. Des études de cas en profondeur appuyées sur des entrevues auprès des concepteurs de l’intervention, des membres de l’équipe d’intervention post-traumatique (ÉIPT), de la consultante externe de l’IPT, de la cadre responsable de l’ÉIPT et des gestionnaires impliqués dans des comités de coordination ont été réalisées. S’ajoute aux entrevues, l’examen des documents pertinents et des écrits scientifiques recensés. Les gestionnaires de premier niveau ainsi que les travailleurs à risque d’être exposés à des événements traumatiques ont participé à ce projet en répondant à un questionnaire. Finalement, une recension des interventions alternatives visant la prévention des ÉTSP dans les autres Centres jeunesse  du Québec a été réalisée au moyen d’une enquête auprès des directions des ressources humaines des établissements. L’analyse des données qualitatives a été soutenue par le logiciel NVivo9. Les analyses des données quantitatives sont de nature descriptive et ont été réalisées par le biais du logiciel SPSS.

Le modèle de l’IPT a été validé auprès des concepteurs et a fait l’objet d’une analyse logique. Cette analyse a permis de démontrer la pertinence théorique et empirique de l’intervention du CJM-IU. Celle-ci intègre les principales données scientifiques disponibles concernant la prévention des réactions post-traumatiques à la fois secondaire et tertiaire. Les interventions immédiates et post immédiates du CJM-IU s’appuient sur les recommandations des organismes officiels américains et britanniques œuvrant en santé mentale. La documentation de la mise en application de l’IPT a permis de vérifier que globalement cette intervention jouit d’un haut niveau de conformité dans son application. Les rencontres effectuées par les intervenants de l’ÉIPT respectent le cadre d’intervention prévu. Les stratégies d’intervention préconisées sont utilisées par les intervenants et adaptées selon les besoins particuliers des personnes touchées. Quelques lacunes ont cependant été révélées dans l’application de certaines stratégies cognitives et comportementales telles que la respiration diaphragmatique, le questionnement socratique et l’inoculation au stress. Ces résultats suggèrent la poursuite des efforts réalisés en formation continue et en supervision des intervenants de l’ÉIPT dans leurs activités. En outre, une réflexion s’avère nécessaire sur le temps de libération des membres de l’ÉIPT. Nous avons observé une pression exercée, d’une part, par les exigences professionnelles et, d’autre part, par la disponibilité des membres pour réaliser leurs activités de formation ou simplement, pour mener leur intervention.

À plus long terme, une fois les deux phases (I et II) complétées, nous disposerons de données probantes pour formuler des recommandations aux Centres jeunesse du Québec et aux autres organisations, dont les travailleurs sont à risque d’exposition élevé à un événement traumatique, et qui souhaitent implanter des programmes efficients de gestion et de prévention des incapacités au travail liés aux ÉTSP.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Henriette Bilodeau
  • André Marchand
  • Diane Berthelette
  • Stéphane Guay
  • Nicole Tremblay
Projet de recherche : 0099-7330
Champ de recherche : Réadaptation au travail
Mis en ligne le : 05 août 2014
Format : Texte