IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Estimation du nombre de cancers d'origine professionnelle au Québec

Résumé

Comme dans la majorité des pays industrialisés, le cancer constitue la première cause de décès au Québec : en 2013, on estime à 20 200 le nombre de décès par cancer et à 48 700 le nombre de nouveaux diagnostics de cancer.

La cancérogénèse est un processus multifactoriel et complexe, qui débute plusieurs années avant que le cancer n’apparaisse cliniquement. Un cancer est considéré d’origine professionnelle lorsqu’il résulte de l’exposition, en milieu de travail, à un agent chimique, physique ou biologique, ou encore de conditions inhérentes à une activité de travail. Il s’agit d’un cancer qui ne se serait probablement pas produit si la personne n’avait pas exercé ce travail. Plusieurs études ont estimé que de 2 à 8 % de l’ensemble des cancers seraient attribuables au travail, selon les pays et le nombre de sièges et de types de cancer considérés. Cependant, pour certains sièges ou types de cancer, la proportion attribuable au travail est beaucoup plus élevée, allant par exemple jusqu’à plus de 90 % pour le mésothéliome de la plèvre chez les hommes. Afin de prioriser les besoins en recherche et en prévention, il faut d’abord connaître l’ampleur du problème et ce rapport présente, dans ce but, une estimation du nombre des cancers d’origine professionnelle chez les travailleurs québécois.

L’importance du nombre de ces cancers a été estimée de deux façons complémentaires : d’abord à l’aide des données québécoises d’indemnisation pour cancer d’origine professionnelle et en utilisant des proportions publiées de cancers attribuables au travail. Ces deux sources de données comportent certaines limites, mais ont l’avantage d’être rapidement disponibles et de permettre l’ordonnancement des cancers à des fins de priorisation de recherche et pour guider les actions de prévention.

Selon les statistiques d’indemnisation pour cancer de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), au Québec, moins de 100 travailleurs ont été indemnisés par année entre 2005 et 2007 pour un nouveau diagnostic de cancer lié au travail. Parmi les dossiers ouverts entre 1997 et 2005, 362 décès par cancer ont été indemnisés, dont six chez des femmes (tous des mésothéliomes). Chez les hommes, plus de la moitié de ces cancers étaient des mésothéliomes, de la plèvre ou du péritoine, suivis par les cancers du poumon. La majorité des cancers indemnisés l’ont été pour des travailleurs de la fabrication, des mines et de la construction. En partie à cause des difficultés à prouver une relation causale et aussi de la longue période de latence entre l’exposition en milieu de travail et la survenue du cancer, il ressort que très peu de cancers font l’objet d’une indemnisation par la CSST.

La deuxième méthode utilisée pour estimer le nombre de cancers d’origine professionnelle consistait à appliquer des proportions de cancer attribuables au travail (publiées par des chercheurs provenant de pays relativement comparables au Québec, soit la Finlande et la Grande-Bretagne) au nombre total de décès par cancer et de nouveaux cas de cancer diagnostiqués annuellement au Québec. Cette méthode a permis d’estimer que 6 % (entre 5 et 8 %) de tous les nouveaux cancers pourraient être causés par le travail (8 à 13 % chez les Québécois et 2 à 3 % chez les Québécoises), pour un total de 1 800 à 3 000 nouveaux cancers annuellement entre 2002 et 2006. Les cancers d’origine professionnelle touchant le plus de Québécois seraient ceux de la trachée, des bronches et des poumons, de la prostate, de la peau (excluant le mélanome) et de la vessie de même que le mésothéliome, le cancer du côlon et les lymphomes non hodgkiniens. Les cancers touchant le plus de Québécoises seraient ceux du sein et de la trachée, des bronches et des poumons. Il a aussi été estimé que 8 % (entre 7 et 11 %) de tous les décès par cancer (11 à 17 % chez les hommes et 2 à 4 % chez les femmes) seraient associés au travail, soit de 1 110 à 1 700 décès par cancer annuellement entre 2002 et 2006. Les décès par cancer seraient les plus fréquents pour le cancer de la trachée, des bronches et des poumons pour les deux sexes et ensuite pour le mésothéliome, le côlon et la prostate chez les hommes et le cancer du sein chez les femmes.

Les chiffres présentés plus haut mettent en évidence l’importance, sous-estimée, du fardeau des cancers d’origine professionnelle au Québec. Nous n’avons pas tenté de chiffrer l’impact socio-économique de ces maladies. Cet exercice a été effectué en Alberta, avec les données de cancer de 2006 et les coûts de 2008. Les chercheurs ont estimé que, pour 761 nouveaux cas annuels de cancer liés au travail et 2 700 personnes vivant avec un cancer d’origine professionnelle, chaque année 15,7 millions de dollars étaient dépensés en coûts médicaux directs et 64,1 millions de dollars en coûts socio-économiques indirects. Le constat ne peut être moins élevé au Québec où l’estimation est de 1 800 à 3 000 nouveaux cas de cancer liés au travail par année.

La longue latence entre l’exposition à un cancérogène et la survenue des cancers signifie que les cancers observés maintenant sont le résultat d’expositions datant de 10 à 50 ans. Cependant, les travailleurs québécois continuent d’être exposés à des cancérogènes et il faut agir maintenant pour influencer l’état de santé qu’ils auront au cours des prochaines décennies.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
Projet de recherche : 2010-0007
Champ de recherche : Projets spéciaux
Mis en ligne le : 13 novembre 2013
Format : Texte