IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Substances cancérogènes – Portrait de l’exposition des travailleurs québécois

Résumé

La liste des substances et conditions de travail associées à un risque élevé de cancer ne cesse d'augmenter. Cependant, afin de prioriser les besoins en recherche et d'orienter les activités préventives dans le domaine des cancers d'origine professionnelle et des substances cancérogènes, il importe de disposer de données sur l'exposition des travailleurs à ces cancérogènes. Il faut d'abord connaître l'ampleur du problème et établir un état de la question, en termes d'exposition aux substances ou circonstances d'exposition cancérogènes et en termes d'importance du nombre de cancers d'origine professionnelle. Ce rapport présente les résultats de la première étape d'une démarche menée à l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) afin de documenter l'exposition des travailleurs québécois aux substances ou circonstances d'exposition cancérogènes. Ce document constitue un apport important à la connaissance québécoise sur l'exposition aux cancérogènes; les constats effectués devraient être utiles aux personnes concernées par cette problématique.

Il a été possible de compiler des estimations d'exposition pour 38 substances cancérogènes listées à l'annexe 1 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (notations C1, C2 ou C3) et dans la liste des cancérogènes avérés ou probables du Centre international de recherche sur le cancer (groupes 1 et 2A). Le nombre de travailleurs potentiellement exposés à chaque cancérogène considéré a été obtenu en appliquant des pourcentages de travailleurs exposés à ce cancérogène dans les secteurs d'activité concernés, calculés à partir de diverses sources d'information, aux effectifs de la main-d'oeuvre des secteurs d'activité du Québec estimés à partir des données du recensement de la population de 2006. L'information sur l'exposition a été extraite de la base des données d'analyses de laboratoire effectuées par l'IRSST pour le Réseau public de la santé au travail, des résultats de quelques projets spéciaux menés par l'IRSST, des données de l'Enquête sociale et de santé 1998 de Santé-Québec, des données rassemblées par Santé Canada sur les radio-expositions professionnelles et des données d'exposition compilées dans le cadre du projet CAREX Canada (mené par l'Université de Colombie-Britannique). Pour quelques cancérogènes, les données d'exposition proviennent de deux sources françaises : l'Enquête SUMER menée par le Ministère du travail de France auprès des médecins du travail et les matrices emplois-expositions MATGÉNÉ développées par l'Institut de veille sanitaire.

Selon cette approche, les dix substances ou circonstances auxquelles les travailleurs québécois sont exposés en plus grande proportion sont : le rayonnement solaire (6,6 %), le travail de nuit régulier ou un horaire alternant incluant la nuit (6,0 %), les gaz d'échappement diesel (4,4 %), les poussières de bois (2,9 %), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (excluant les fumées diesel) (2,0 %), le benzène (1,7 %), la silice (1,5 %), le plomb (1,3 %), les rayonnements ultraviolets artificiels (1,1 %) et les huiles minérales (1,0 %).

Plusieurs secteurs d'activité comportent plus de 20 cancérogènes différents, notamment ceux de la fabrication, de la construction, des autres services sauf les administrations publiques, des services publics, des services professionnels, scientifiques et techniques et des services administratifs, de soutien, de gestion des déchets et d'assainissement. Parmi les secteurs manufacturiers avec des expositions multiples aux cancérogènes, se retrouvent ceux de la fabrication de produits minéraux non métalliques, de matériel de transport, de la première transformation des métaux, de la fabrication de produits chimiques et de la fabrication du papier.

À partir de ces pourcentages d'exposition, on estime qu'au moins 230 300 québécois seraient exposés au rayonnement solaire et que plus de 150 000 travailleurs seraient exposés aux gaz d'échappement diesel dans le cadre de leur travail. Plus de 50 000 travailleurs seraient exposés à des cancérogènes dans chacun des secteurs d'activités suivants : fabrication, transport et entreposage, agriculture, foresterie, chasse et pêche ainsi que soins de santé et d'assistance sociale.

Les expositions aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), aux gaz d'échappement diesel, au benzène et au rayonnement solaire touchent une majorité des secteurs où travaillent des jeunes travailleurs selon les données disponibles, soit notamment ceux du commerce de détail, des arts, spectacles et loisirs et de l'hébergement et restauration.

L'analyse des données selon le sexe montre que les femmes seraient plus nombreuses à être exposées à des cancérogènes dans le secteur des soins de santé et d'assistance sociale (rayonnements ionisants, travail de nuit, rayonnements UV artificiels et rayonnement solaire). Les hommes se retrouvent en plus grande proportion dans les secteurs de l'agriculture, de la foresterie, de la pêche et de la chasse, de l'extraction minière, de pétrole et de gaz, de la construction, des services publics, de la fabrication et du transport et entreposage; ces secteurs se caractérisent notamment par l'exposition au rayonnement solaire, aux poussières de bois, au travail de nuit, à la silice, aux gaz d'échappement diesel, aux huiles minérales et au plomb.

Malgré leurs limites, les estimations produites constituent des indicateurs utiles quant à l'importance de l'exposition potentielle des travailleurs québécois aux substances cancérogènes, notamment parce qu'il s'agit du premier portrait de ce genre réalisé à partir d'une agrégation de données issues de diverses sources.

Comme les cancers prennent plusieurs années à se développer et qu'il peut être difficile de faire le lien entre un cancer et une exposition professionnelle particulière, la meilleure stratégie est la prévention. La démarche de prévention pour l'exposition aux cancérogènes est la même que la démarche d'hygiène pour tout danger en milieu de travail : l'anticipation, l'identification, l'évaluation et la maîtrise du risque (par l'élimination à la source, la substitution, la diminution de l'exposition), tout en s'assurant d'informer et de former les employeurs et les travailleurs sur les substances cancérogènes.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • France Labrèche
  • Patrice Duguay
  • Claude Ostiguy
  • Nicole Goyer
  • Alexandre Boucher
  • Brigitte Roberge
  • Marc Baril
Projet de recherche : 2010-0005
Mis en ligne le : 25 avril 2012
Format : Texte