IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Synthèse des connaissances sur la trémolite contenue dans le talc

Résumé

Le talc est largement utilisé dans différents milieux de travail, notamment dans les secteurs de la céramique, des peintures (peinture antirouille), des composés à joint pour gypse, des cosmétiques, du plastique et du caoutchouc. Puisque certains talcs peuvent contenir des amphiboles dont la trémolite, possiblement sous la morphologie asbestiforme (ou fibreuse) et non asbestiforme (fragments de clivage), il est important d'en connaître la provenance et la composition afin de mettre en place des stratégies de surveillance de l'exposition et des moyens de prévention adéquats pour les travailleurs et autres utilisateurs.

Plusieurs définitions et applications du terme amiante sont utilisées pour classifier les amphiboles, que ce soit dans les études sur les effets sur la santé, en surveillance de l'exposition ou à des fins réglementaires. Compte tenu des différents avis et études contradictoires sur le plan des définitions, des méthodes d'analyse, de la réglementation, et sur les effets sur la santé de la trémolite non asbestiforme, la CSST a demandé à l'IRSST de réaliser un bilan de la littérature portant sur la trémolite, présente dans le talc et la vermiculite, afin de clarifier les impacts sur la santé et la sécurité des travailleurs et de faciliter la mise en oeuvre des moyens de prévention dans le contexte québécois. Ce rapport couvre la synthèse des résultats obtenus pour la trémolite présente dans le talc. La vermiculite et ses constituants feront l'objet d'une autre étude.

L'objectif principal de cette étude est de produire un bilan et une synthèse des connaissances sur le talc trémolitique en relation avec les différentes morphologies, asbestiforme (amiante) et non asbestiforme (fragments de clivage), et en fonction des paramètres suivants :

  • La métrologie (définitions, caractérisation des matériaux, échantillonnage et exposition);
  • La réglementation (normes et les critères réglementaires appliqués dans les différents pays);
  • Les données épidémiologiques sur les effets sanitaires.

Depuis le début des années 1990, plusieurs études se sont intéressées aux particules minérales allongées (PMAs) générées à partir du broyage et de la fracture de minéraux amphiboles non asbestiformes, définies comme les fragments de clivage. Plus particulièrement, les études ont porté sur la trémolite, contenue naturellement dans certains gisements de talc et de vermiculite, minerais qui sont utilisés dans différents produits de consommation. L'information est toutefois encore limitée sur les expositions et les effets sur la santé de ces PMAs.

Les experts, les analystes, les chercheurs et les scientifiques gouvernementaux n'ont pas réalisé de consensus sur la définition ou la différenciation des amphiboles asbestiformes et non asbestiformes (fragments de clivage). Si la distinction entre fragments de clivage et fibres asbestiformes est claire théoriquement, elle est plutôt obscure du point de vue analytique. L'utilisation de méthodes d'analyse complémentaires telles que la microscopie optique à contraste de phase, la microscopie électronique à balayage, la microscopie électronique à transmission avec la diffraction électronique en aire sélectionnée (MET) ou la microscopie électronique à transmission analytique (META : MET couplé à la spectrométrie de rayons X en dispersion d'énergie), permettrait de confirmer la présence de fibres d'amiante dans un minerai ou un matériau et, plus spécifiquement, de déterminer la concentration dans l'air de fibres, de fibres de trémolite asbestiforme, de fragments de clivage de trémolite et de fibres de talc, s'il y avait consensus sur les critères de différenciation à être utilisés.

La plupart des études décrivant des effets sur la santé reliés à l'exposition au talc contiennent peu d'information sur la caractérisation du talc impliqué. Même si les méthodes d'analyse permettaient hors de tout doute de caractériser la présence d'amphiboles et de quantifier la partie asbestiforme et la partie non asbestiforme, il reste qu'il est peu probable que les études de toxicologie puissent être réalisées sur des produits complètement purs, car les talcs sont généralement un mélange de différents minéraux en concentration variable. Toutefois, ces informations seraient précieuses en épidémiologie pour tenter de mieux établir les relations dose/réponse.

L'exposition à la poussière de talc est associée à des maladies respiratoires telles que les NMRD2, surtout des pneumoconioses, et au cancer du poumon, en présence d'autres agents cancérogènes. En effet, la poussière du minerai de talc peut causer la silicose, la talcose et des pneumoconioses mixtes, mais la part de causalité entre le talc, le quartz et les autres agents silicotiques n'est pas discernable.

Les travailleurs des moulins ne présentent pas d'augmentation de risque significatif de cancer du poumon, mais les mineurs pourraient montrer des tendances ou des augmentations significatives de risque en présence d'autres cancérogènes comme le radon, le quartz ou l'amiante. L'utilisation de la concentration pondérale (poussière ou poussière respirable), comme métriques d'exposition, est un mauvais prédicteur de la concentration en fibres ou en particules minérales allongées. Il s'ensuit une possibilité de mauvaises classifications des cas qui compliquent l'établissement d'une relation dose/réponse.

La possibilité de mésothéliomes liés à l'exposition à la poussière de talc demeure un sujet controversé. Les mésothéliomes présentent des difficultés de diagnostic et de reconnaissance de la causalité. Dans l'état actuel des connaissances, il n'y a pas de preuve qui permet de relier le mésothéliome et l'exposition au talc ne contenant pas d'amiante ou de fibre asbestiforme.

À partir des résultats que nous fournissent les études épidémiologiques, il est difficile de répondre de façon définitive, preuve à l'appui, à la question sur le risque pour la santé de la trémolite non asbestiforme (fragments de clivage), en raison des lacunes sur la caractérisation des expositions. En effet, aucune étude n'avait à sa disposition des résultats de concentration de fragments de clivage bien caractérisés et bien échantillonnés en zone respiratoire des travailleurs.

Compte tenu de toutes ces incertitudes sur les expositions et les effets sur la santé, des recherches sont encore nécessaires tant au niveau de la toxicologie et de l'épidémiologie que sur les mesures d'expositions, l'échantillonnage et les méthodes analytiques. De plus, les études minéralogiques des tissus pulmonaires (biométrologie) pourraient permettre l'identification de surcharges anormales et la caractérisation de fibres et de PMAs. Ces recherches pourraient aider à définir les méthodes d'analyse et d'échantillonnage qui mesureront plus adéquatement les caractéristiques pertinentes de toxicité. Les résultats devraient aussi contribuer au développement de recommandations pour la protection des travailleurs.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Chantal Dion
  • Guy Perrault
  • Mounia Rhazi
Projet de recherche : 0099-5560
Mis en ligne le : 24 janvier 2012
Format : Texte