IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Exposition des travailleurs de la construction à la silice cristalline - Bilan et analyse de la littérature

Résumé

La silice est un des composés inorganiques les plus répandus dans la nature. Sous la forme cristalline du quartz on la retrouve abondamment dans divers minéraux, dont le granite et le sable. Lorsque des matériaux contenant de la silice cristalline sont manipulés, le quartz peut se retrouver sous forme de poussière en suspension dans l’air. L’inhalation de cette poussière par les travailleurs peut causer diverses maladies des voies respiratoires, dont les plus invalidantes sont la silicose et le cancer pulmonaire.
Dans le secteur de la construction, l’exposition professionnelle à la silice cristalline est fréquente dans plusieurs métiers, en raison de sa présence dans de nombreux matériaux manipulés, par exemple le béton, le mortier et la brique, et à cause des procédés mis en œuvre impliquant des opérations telles que le cassage, le meulage ou le sciage. Au Québec, tout comme dans d’autres juridictions, les niveaux d’exposition à la silice cristalline dans le secteur de la construction dépassent encore fréquemment les valeurs limites réglementaires. Plusieurs cas de maladies professionnelles sont indemnisés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans ce secteur.
Le domaine de la construction est complexe avec une multitude de métiers, de tâches, de matériaux et d’outils pouvant être reliés à l’exposition à la silice cristalline. Les intervenants en santé au travail du Québec ne disposent pas d’un bilan des connaissances qui permettrait de hiérarchiser les actions de prévention en fonction de la réalité québécoise dans ce secteur d’activité. Dresser un tel portrait était l’objectif général de cette recherche, avec comme objectifs plus spécifiques d’identifier les postes et fonctions les plus à risque en fonction de leur niveau d’exposition, d’identifier les divers moyens de maîtrise de l’exposition tout en documentant leur efficacité et d’élaborer une base de données relationnelle sur l’exposition aux poussières de silice, compilant les données de la littérature sous une forme utilisable par des chercheurs ou des intervenants.
Un élément clé de la méthode a consisté en l’élaboration d’une banque de données d’exposition professionnelle à la silice dans la construction, provenant d’une recherche exhaustive des diverses sources documentaires de la littérature scientifique internationale (articles de périodiques, rapports d’organismes publics et privés, banques de données). Une telle banque permet d’associer aux résultats de mesures (niveaux d’exposition) une série de paramètres permettant de les qualifier, lesquels sont reliés aux circonstances de l’exposition et de l’échantillonnage. Cette stratégie a été préférée à la méthode plus classique de revue de littérature, qui consiste à analyser individuellement les données d’articles de périodique et à synthétiser l’information sous forme de tableaux présentant chaque étude séparément, mais qui sont difficiles d’interprétation à cause de leur hétérogénéité. Au total, sur plus de 500 documents recensés, 116 ont été retenus comme contenant des informations pertinentes sur les niveaux d’exposition. Par ailleurs 67 documents portant spécifiquement sur les moyens de maîtrise ont été analysés.
La banque de données d’exposition met en relation 4 251 niveaux d’exposition à la silice cristalline respirable avec 76 paramètres incluant notamment le titre d’emploi, la tâche, l’outil, le matériau et le moyen de maîtrise utilisé. L’analyse descriptive des données indique que les titres d’emploi les plus à risque dans la construction peuvent être classés en trois groupes en fonction de leur niveau d’exposition. Les travailleurs souterrains (manœuvre spécialisé, manœuvre pipeline, arpenteur et foreur) ainsi que les opérateurs d’équipement lourd aux commandes de tunneliers forment un premier groupe, exposé nettement au-dessus de la valeur réglementaire du Québec (de deux à quatre fois). Les cimentiers-applicateurs, les briqueteurs-maçons, les foreurs, les manœuvres spécialisés et les opérateurs d’équipement lourd aux commandes de fraiseuses routières représentent un deuxième groupe, exposé en moyenne à des niveaux supérieurs ou proches de la valeur réglementaire. Les manœuvres spécialisés (carreleurs), les manœuvres (journaliers), les opérateurs d’usines fixes et mobiles et les opérateurs d’équipement lourd (autres que les opérateurs de fraiseuses routières et tunneliers) représentent un troisième groupe exposé entre la valeur réglementaire et sa moitié.
Les tâches et outils les plus exposants (tous au-dessus de deux fois la valeur réglementaire pendant la durée de la tâche) sont, en ordre décroissant : le sciage de pièces de maçonnerie avec scie portative à maçonnerie, le bouchardage, le cassage de pièces de maçonnerie (marteaux perforateurs-piqueurs sur béton ou céramique), le forage de tunnels (tunnelier) et le meulage de joints de brique/pierre.
La recherche bibliographique indique que la substitution de la silice cristalline doit être encouragée lorsque cela est possible, mais qu’elle demeure, la plupart du temps, difficilement envisageable dans le secteur de la construction à cause de sa présence dans plusieurs des matériaux de base utilisés. Les moyens techniques de maîtrise de l’exposition tels que l’arrosage et la ventilation par aspiration à la source, intégrés aux outils, sont bien connus et permettent de diminuer de façon importante la concentration de poussières de silice cristalline dans l’air, avec une efficacité dépassant généralement 90 %. Cependant ces moyens ne permettent pas de se conformer, dans la grande majorité des cas, aux valeurs limites d’exposition des différents pays et organismes, tout en ayant une influence négative sur la performance des opérations. Il est donc recommandé d’améliorer le plus possible l’utilisation de ces moyens techniques et d’appliquer des règles de bonne pratique, par exemple par l’adoption de certaines méthodes de travail permettant d’émettre moins de poussières et par le réglage et l’entretien des outils et des équipements. Il est recommandé d’utiliser, en complémentarité, la protection respiratoire.
Finalement il serait souhaitable que la présente étude soit complétée par l’élaboration de documents de vulgarisation pour les travailleurs et employeurs du secteur, qui cibleraient les moyens de maîtrise disponibles selon les diverses tâches effectuées et les outils utilisés. Par ailleurs, la banque de données d’exposition professionnelle élaborée dans le cadre de ce projet devrait être exploitée de façon plus approfondie par modélisation, afin d’étudier en détail l’influence des multiples paramètres gouvernant l’exposition professionnelle à la silice cristalline dans la construction. Il est également recommandé que soit étendue en deçà de 1990 la période temporelle couverte par la revue de littérature pour rendre l’outil utilisable pour l’évaluation rétrospective de l’exposition à la silice.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Charles Beaudry
  • Chantal Dion
  • Michel Gérin
  • Guy Perrault
  • Denis Bégin
  • Jérôme Lavoué
Projet de recherche : 0099-7530
Mis en ligne le : 10 mai 2011
Format : Texte