IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Modernisation des parachutes de transporteurs de mines : volet 1 – État de l’art

Résumé

Cette étude a été initiée par une lettre datée du 25 octobre 2013 et signée par un membre de la partie syndicale du sous-comité sur les machines d’extraction de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)1. Cette lettre demandait au sous-comité de mandater l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) pour évaluer les systèmes d'arrêt d'urgence des transporteurs de mine en usage à travers le monde (parachutes et autres systèmes), dans le but de moderniser les parachutes exigés sur les transporteurs de mine au Québec. L’écrasement d’un transporteur est subséquent à deux évènements dangereux distincts : (i) rupture du câble, et (ii) perte de contrôle du déplacement de la cage sans rupture du câble. Le présent rapport, qui est le volet 1 de ce mandat, présente un état de l’art portant sur les accidents de transporteurs miniers, les câbles d’extraction, les parachutes, les systèmes évitant la perte de contrôle du déplacement de la cage, et la législation relative aux câbles et parachutes à travers le Canada. L’étude des deux évènements dangereux précédents constituera respectivement les volets 2 et 3 de ce mandat.

La majorité des puits de mines souterraines au Canada est équipée de treuils à tambour munis d’un unique câble d’extraction attaché au transporteur. Pour éviter l’écrasement de la cage en cas de rupture du câble, un système parachute est obligatoire. Ce système a été imaginé au milieu du XIXe siècle par le français Fontaine et un système similaire a été breveté par Otis quelques années après pour les ascenseurs civils. Le système actuel est l’héritier des améliorations apportées à la suite de l’accident de Paymaster (Ontario) en 1945, qui fit 16 morts. Les parachutes sont encore obligatoires aujourd’hui dans la plupart des réglementations nord-américaines, mais ils ne sont plus utilisés en Europe et en Afrique du Sud.

Les ruptures de câbles sont relativement rares et pas une seule n’est survenue en Ontario sur la période 1994-2004. L’analyse de trois accidents récents au Québec (2009, 2011, 2013) a montré que la rupture du câble n’était pas en cause. Par ailleurs, au Québec, la rupture du câble est la cause immédiate et directe d’un seul accident de cage ou de skip au cours des 30 dernières années. Par contre, quelques cas (5) de rupture de câbles au Canada, sur les vingt dernières années, ont été mentionnés par les personnes que nous avons pu rencontrer. Aux États-Unis, les accidents ou incidents de transporteurs sont relativement rares également (0,41 % des décès). Les cas d’écrasement de la cage recensés sont de deux types : puits vertical et écrasement de la cage dans le chevalement (treuil à friction), puits incliné et écrasement de la cage au fond du puits à la suite d'un défaut de freinage.

La méthode de l’arbre de défaillance est utilisée pour comprendre les causes qui mènent à l’écrasement du transporteur au fond du puits. Deux arbres de défaillance sont présentés dans ce rapport. Le premier arbre traite du cas de l’écrasement de la cage au fond du puits (évènement indésirable) subséquent à la rupture du câble. L’autre traite du cas de l’écrasement de la cage à l’une des extrémités du puits (évènement indésirable) sans rupture du câble. Ces arbres de défaillance seront détaillés dans les volets 2 et 3 du mandat respectivement et serviront à identifier les forces et faiblesses des différents systèmes de sécurité.

Deux écoles de pensée s’affrontent : (i) la meilleure sécurité est de disposer d’un câble de bonne qualité, bien entretenu et inspecté régulièrement (Afrique du Sud), (ii) les câbles cassent malgré les progrès et les inspections, il faut donc un parachute pour éviter l’écrasement de la cage (Amérique du Nord). Le câble est une pièce d’usure qu’il faut surveiller et changer régulièrement contrairement à la machine d’extraction qui est généralement utilisée pour toute la durée d’exploitation du puits. Un câble est sélectionné en fonction de son utilisation et il aura une durée de vie variable suivant l’usage et les équipements : de 12 à 18 mois pour les treuils à tambour lorsque les puits sont très profonds (et jusqu’à 3-4 ans pour les puits moins profonds), et de 24 à 48 mois pour les treuils à friction (jusqu’à 7 ans pour les puits peu profonds). Les câbles mixtes (acier/synthétique) sont peu à peu mis en œuvre dans les puits, et à plus long terme on pourrait peut-être voir l’utilisation de câbles 100 % synthétiques. Les câbles sont sujets à l’usure par abrasion, à la corrosion (externe et/ou interne) et à la fatigue (rupture de fils au cours du temps). Il faut également veiller à limiter les charges dynamiques (accélération ou freinage trop brusques, défauts dans les guides, défaut de rotondité de la molette…) ainsi que le relâchement de la tension du câble qui peut entraîner des défauts. Afin de s’assurer que le câble peut être utilisé sans risques, des inspections visuelles quotidiennes sont effectuées. Ces inspections sont limitées à la partie externe du câble (partie visible) et le câble doit être très propre pour réaliser ces inspections dans les meilleures conditions possibles. Des tests de rupture sont faits à intervalles réguliers afin d’estimer l’état d’usure du câble et des tests non destructifs (électromagnétiques) sont aussi réalisés. Cependant, le test de rupture est effectué sur une section du câble proche de l’attache du transporteur afin de limiter le raccourcissement du câble. Ce test n’est donc peut-être pas représentatif de la résistance réelle à la rupture du câble sur toute sa longueur, car la section testée est probablement la partie du câble la moins sollicitée (pas de frottement, pas de passage sur la molette et charge la plus faible). Il faut néanmoins noter que cette partie du câble est sujette à la corrosion. Des dispositifs de suivi continu du câble ont fait leur apparition sur le marché. Deux types de systèmes coexistent : les systèmes électromagnétiques et les systèmes optiques. Ces systèmes, associés à tout un programme de surveillance du câble, permettent d’abaisser le facteur de sécurité de ce dernier.

En cas de rupture du câble, les parachutes ont pour mission d’arrêter la chute de la cage. Le système traditionnel, installé sur toutes les cages au Québec, est issu des recherches entreprises après l’accident de Paymaster. Il nécessite des guides en bois et se déclenche lorsque la tension dans le câble est insuffisante. Son principe de fonctionnement, le freinage par arrachage de bois, ne permet pas d’avoir un grand contrôle sur la décélération. De plus, l’état des guides en bois et la position relative guides/dents influencent la décélération. Enfin, lorsque la cage est vide, la décélération est plus importante. Des systèmes modernes fonctionnant sur des guides en métal sont proposés par deux compagnies au Canada mais très peu de mines en sont équipées. Il s’agit d’une évolution des systèmes de positionnement de ces compagnies. L’un de ces systèmes a subi un test de chute libre (cage vide) et une décélération moyenne de 1,44 g a été mesurée. Des tests à pleine charge devraient être effectués en Afrique du Sud prochainement. Un des défauts de ces systèmes est le risque de déclenchement intempestif.

La perte de contrôle du déplacement de la cage est l’évènement dangereux qui a mené à la plupart des accidents récents recensés dans ce rapport. Cette partie sera détaillée dans le volet 3. Afin d’éviter la perte de contrôle du déplacement de la cage, on peut utiliser plusieurs systèmes de freinage redondants (mécanique au tambour, dynamique, et éventuellement un frein de câble). Outre ces différents systèmes de freinage, des contrôleurs sont mis en œuvre pour éviter la perte de contrôle du déplacement de la cage. Traditionnellement, c’est le contrôleur Lilly qui est utilisé. Cependant, il est de plus en plus remplacé par des contrôleurs numériques. La fiche technique RF-412 publiée par l’IRSST en 2005 et citée à l’article 216.1 du règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines (RSSM), traite des systèmes de commande programmables2.

Toutefois, elle préconise de garder un système de sécurité électromécanique indépendant. Enfin, certaines études récentes s’orientent vers un monitoring global de toutes les composantes du système d’extraction afin d’assurer la sécurité de la cage.

La dernière partie de ce rapport est la comparaison des réglementations provinciales relatives aux câbles d’extraction et aux parachutes. Il en ressort que les parachutes sont obligatoires dans toutes les provinces canadiennes si la cage n’est retenue que par un seul câble. Toutes les provinces demandent une inspection quotidienne, uniquement visuelle dans certaines provinces et plus ou moins complète dans d’autres. À intervalles réguliers, des essais de dégagement rapide doivent être effectués (vitesse initiale nulle) afin de s’assurer du bon fonctionnement du système. Un essai de chute libre (vitesse initiale non nulle) est obligatoire avant la mise en service de la cage et après toute modification apportée aux parachutes ou à la cage. La plupart des provinces prescrivent un intervalle de décélération acceptable pour les essais de chute libre : entre 1 g et 3 g ou entre 0,9 g et 2 g suivant les provinces (il n’y a pas d’intervalle de décélération prescrit par le RSSM au Québec).

Les facteurs de sécurité (FS) des câbles d’extraction sont relativement similaires d’une province à l’autre. En général, un FS de 5,0 à la molette est nécessaire. Deux provinces (l’Ontario et le Québec) permettent d’abaisser ce FS, à la condition que les méthodes d’inspection utilisées en Afrique du Sud soient appliquées (et qu’un programme de suivi continu de l’état du câble soit mis en œuvre au Québec). Les câbles d’extraction doivent être régulièrement lubrifiés et une inspection visuelle quotidienne est obligatoire (au Québec, cette inspection peut être remplacée par un suivi continu de l’état du câble ou une inspection électromagnétique, art. 305). Deux autres types d’essais sont obligatoires dans toutes les provinces : les essais non destructifs et les essais de rupture. La fréquence de ces essais varie significativement d’une province à l’autre. Les essais de rupture sont faits sur des échantillons de 2,5 m de long et il apparaît que le seul laboratoire autorisé à faire de tels essais est celui du ministère du Travail de l’Ontario (MOL) à Sudbury. Quelques provinces réfèrent à la norme CAN/CSA G4 pour les modalités de l’essai, mais dans les faits tous les essais de rupture semblent effectués selon cette norme. Enfin, les critères de retrait des câbles sont relativement semblables : perte de résistance inférieure à 10 %, nombre de fils cassés inférieur à 5 % sur un pas de toron (cause principale de retrait dans les faits), élasticité du câble réduite. Certaines provinces rajoutent d’autres critères de retrait. La norme ISO 4309 (non référencée dans les différentes réglementations provinciales) propose une méthode de calcul des effets cumulatifs de l’usure des câbles.

 

[1] Maintenant Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

[2] La fiche technique RF-412 a été mise à jour, et la nouvelle version, RF-1049 a été publiée en 2019.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport d'expertise
Mis en ligne le : 20 juin 2022
Format : Texte