IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Exposition des travailleurs aux particules ultrafines et aux composés organiques volatils émis lors d’un processus d’impression 3D : état des lieux au Québec (2e édition)

Résumé

Deux revues de la littérature ont été entreprises dans le but de collecter un maximum d’informations sur la fabrication additive (ou impression 3D) et ses implications dans le milieu du travail. Elles visent plus spécifiquement à : 1) identifier l’ensemble des techniques utilisées en impression 3D ainsi que les matériaux qui leur sont associés, mais aussi les différents champs d’application et les activités professionnelles concernées; 2) mettre en évidence les taux d’émissions de particules ultrafines (PUF) et de composés organiques volatils (COV) lors d’un processus d’impression 3D et 3) dégager les principaux paramètres d’utilisation des imprimantes, pouvant influencer les émissions de PUF et de COV. Si les données de la première revue sont principalement issues de la littérature grise, ce sont 509 publications scientifiques sur les émissions de PUF et de COV qui ont été consultées pour la seconde revue. 29 d’entre-elles, publiées entre 2013 et jusqu’à 2019, ont été retenues pour établir un portrait des connaissances sur l’exposition des travailleurs aux particules ultrafines (PUF) et aux composés organiques volatils (COV) émis lors des processus d’impression 3D. Une attention particulière sera portée sur l’utilisation de cette technologie récente en milieu de travail au Canada et au Québec.

Que ce soit dans les transports, l’énergie, la défense et l’aérospatiale, ou la santé, la fabrication additive est présente dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Elle permet de concevoir, en un seul bloc et à moindre coût des pièces uniques bien plus rapidement que les technologies de fabrication traditionnelles. Si les grands secteurs d’activité sont identifiés, il est beaucoup plus difficile d’identifier les professions et surtout d’évaluer le nombre de travailleurs impactés par cette nouvelle technologie. En effet, il apparaît dans les études de marché du travail, un nombre croissant de travailleurs en fabrication additive, mais ces chiffres englobent aussi bien l’opérateur de l’imprimante que le concepteur des plans de l’objet à fabriquer qui lui n’a pas de contact direct avec l’appareil. De plus, certaines professions peuvent faire appel, de façon régulière ou ponctuelle à des sous-traitants.

Sept grandes technologies de fabrication additive ont été identifiées, certaines déjà très utilisées en milieu de travail, comme les technologies par extrusion de matière ou à lit de poudre, et d’autres moins répandues ou en cours de perfectionnement. Les prouesses actuelles et futures, permises par la fabrication additive, ne doivent pas cacher les inconvénients induits comme les émissions de nombreux contaminants particulaires et gazeux dont certains sont potentiellement néfastes pour la santé des travailleurs qui y sont exposés fréquemment. Ce risque est fortement accru par la multiplicité des matériaux imprimables. Effectivement, à chaque technologie sont associés un ou plusieurs types de matériaux comme les polymères thermoplastiques ou thermodurcissables, les métaux, les céramiques techniques, les matériaux biocompatibles, tous émetteurs de PUF et de COV de nature chimique différente.

Si ces émissions ont un lien étroit avec le type de matériau employé, les paramètres d’utilisation des imprimantes 3D jouent également un rôle majeur. Par exemple, la température et la vitesse d’extrusion sont à prendre en considération dans les variations de taux d’émission et de concentrations de PUF et de COV. Même un dysfonctionnement de l’imprimante peut se traduire par une augmentation très importante des particules émises. Si ces conclusions semblent se confirmer, plusieurs autres paramètres de fabrication n’ont pas été encore étudiés et surtout aucune étude n’a été menée de façon systématique rendant ainsi difficile la comparaison des résultats entre études. Enfin, la quasi-totalité des publications rapporte des travaux menés en laboratoire, dans des environnements contrôlés, ce qui ne reflète pas l’exposition aux PUF et aux COV des utilisateurs d’imprimantes 3D en milieu de travail.

Les nombreuses lacunes relevées au cours de cette étude doivent conduire à la mise en place de programmes de recherche visant d’une part à évaluer l’exposition des travailleurs en milieu de travail et proposer des solutions pour réduire les émissions à la source en optimisant les paramètres de fabrication des imprimantes.

Avant d’obtenir les premiers résultats, il est nécessaire de protéger les travailleurs qui utilisent une ou plusieurs de ces technologies en appliquant le principe de précaution. Pour les travailleurs exposés quotidiennement à ces technologies, il est recommandé le port d’équipements de protection individuelle adéquats et de faire de la formation en amont afin de mieux préparer les travailleurs et d’attirer leur attention sur les règles de base à respecter. Ce principe de précaution est d’autant plus indispensable qu’à l’heure actuelle, contrairement aux COV, aucune valeur limite d’exposition aux PUF n’est disponible.