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Traitement de l’épicondylose latérale chronique du coude : essai clinique randomisé à simple insu évaluant l’efficacité de la fenestration écho-guidée et celle de la chirurgie par approche ouverte

Résumé

L’épicondylose latérale du coude, communément appelée « épicondylite » ou tennis elbow, est un syndrome douloureux et incapacitant. L’épicondylose est particulièrement fréquente dans la population en âge de travailler et touche autant les hommes que les femmes. Dans certains secteurs d’emploi, l’épicondylose peut affecter un travailleur sur cinq.

Cette pathologie est favorisée par une surutilisation du poignet et de l’avant-bras. Malgré les avancées de la médecine moderne, le traitement de l’épicondylose du coude demeure bien souvent un défi thérapeutique. Plusieurs types de traitement sont proposés. Aucun consensus ni modèle de prise en charge standardisé n’existe. Les coûts directs de santé et surtout les coûts indirects découlant de l’invalidité au travail et des indemnités de revenu reliées à l’épicondylose demeurent très élevés.

Le traitement de première intention de l’épicondylose est le repos du coude par la mise en application d’une ergonomie visant à éviter la sollicitation des tendons épicondyliens. La physiothérapie et/ou une rééducation par un programme d’exercices faits à la maison sont également recommandées. Cette approche favorise la guérison chez plus de 80 % des patients à 12 mois. Toutefois, un certain nombre de patients sont réfractaires au traitement médical pouvant comprendre en plus du repos et de la rééducation, le port d’une orthèse, des traitements par ondes de choc extracorporelles et les injections de cortisone, de plasma riche en plaquettes et autres substances. Ces patients peuvent demeurer symptomatiques et présenter une incapacité fonctionnelle au travail pendant plusieurs mois voire des années.

Devant l’échec du traitement médical, une intervention chirurgicale visant à débrider et à réparer le tendon pathologique peut être proposée. Il existe différentes approches chirurgicales, mais la plus fréquemment utilisée consiste à réaliser une courte incision à la peau pour accéder au tendon, et à réséquer quelques millimètres du tendon correspondant au tissu pathologique. La peau est par la suite refermée et la cicatrisation des tissus s’ensuit. Les études rapportent une efficacité thérapeutique de l’ordre de 70 % à 80 % et, encore aujourd’hui, la chirurgie est considérée comme étant le traitement ultime de l’épicondylose.

La fenestration échoguidée est une procédure minimalement invasive relativement nouvelle. Sous anesthésie locale et guidage échographique, à l’aide d’une fine aiguille, plusieurs perforations contrôlées sont réalisées dans la partie lésée du tendon et la surface osseuse sous-jacente est avivée. L’objectif de cette technique est de débrider le tissu pathologique et de déclencher une réaction inflammatoire afin de stimuler les mécanismes physiologiques de prolifération cellulaire et de réparation tendineuse. Quelques études évaluant l’efficacité thérapeutique de cette technique ont rapporté des résultats encourageants. Aucune étude n’avait jusqu’ici comparé l’efficacité de la fenestration échoguidée à celle de la chirurgie.

Ainsi, l’objectif principal de notre étude était d’évaluer l’efficacité thérapeutique de la fenestration échoguidée et celle de la chirurgie par approche ouverte chez des travailleurs souffrants d’épicondylose chronique, réfractaire à au moins 6 mois de traitement médical.

Cette étude visait également à examiner l’impact de ces deux traitements sur différents aspects de l’activité professionnelle, la force de préhension et sur des caractéristiques morphologiques et les propriétés mécaniques du tendon évaluées par échographie.

L’hypothèse qui soutenait cette étude était que la fenestration échoguidée est une technique minimalement invasive efficace pour le traitement de l’épicondylose chronique et constitue une alternative thérapeutique valable à la chirurgie par approche ouverte.

Cette étude a été réalisée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal de 2016 à 2020. Soixante-quatre travailleurs souffrant d’une épicondylose chronique ont été répartis en nombre égal dans chacun des groupes d’intervention et ont été suivis pendant 12 mois. Périodiquement, les patients devaient répondre à des questionnaires, leur force de préhension était mesurée à l’aide d’un dynamomètre et leur coude était examiné par échographie.

Aucun effet indésirable associé aux interventions n’est survenu au cours de cette étude.

L’âge moyen des travailleurs qui ont participé à cette étude était de 48 ans avec une distribution homme - femme équivalente. Les patients souffraient d’une épicondylose depuis 23 mois en moyenne et tous avaient suivi un traitement médical pendant au moins 6 mois précédant leur entrée dans l’étude. La majorité des patients avaient eu recours à plusieurs traitements différents. Parmi les plus fréquents, on retrouvait : le port d’une orthèse; la physiothérapie; les injections de cortisone et un programme d’exercices faits à la maison.

Au moment d’entrer dans l’étude, 20 % des patients étaient en arrêt de travail et 5 % étaient affectés à des tâches allégées. Dans le contexte de leur travail, la majorité des patients rapportaient devoir effectuer une ou plusieurs des activités suivantes : mouvements répétitifs avec l’avant-bras; mouvements de flexion du poignet; mouvements de flexion et d’extension du coude; travaux physiques légers ou lourds; utilisation d’un clavier ou d’une souris d’ordinateur.

Sur la base de différents indicateurs cliniques, le taux de succès thérapeutique parmi les patients traités par fenestration échoguidée a été comparable à celui des patients traités chirurgicalement. Dans chacun des groupes d’intervention, 80 % des patients ont dit être « nettement ou complètement améliorés » à 6 mois après l’intervention. De plus, l’amélioration clinique des patients dans le temps a été comparable.

Les résultats de l’étude démontrent que le retour au travail s’effectue plus rapidement après la fenestration comparativement à la chirurgie. La chirurgie par approche ouverte nécessite un certain temps de convalescence pour permettre la guérison de la plaie cutanée et la cicatrisation du tendon qui est en partie réséqué. La fenestration favorise la guérison du tendon via des mécanismes d’inflammation. Il n’y a pas d’incision cutanée. Il n’y pas de résection de tissu. Pour ces raisons, la réparation et le remodelage du tendon semblent s’effectuer plus rapidement. D’ailleurs l’analyse des paramètres d’imagerie suggère que la fenestration altère moins la structure du tendon et qu’elle favorise une amélioration plus rapide des propriétés mécaniques du tendon, que la chirurgie.

En conclusion, la fenestration échoguidée est une intervention thérapeutique minimalement invasive efficace pour traiter l’épicondylose chronique du coude. Dans les cas d’épicondylose réfractaire à 6 mois de traitement médical, cette intervention peut être proposée. Cet algorithme thérapeutique pourrait favoriser une réduction des coûts directs et indirects reliés à l’épicondylose. Cette étude a jeté les bases pour réaliser des essais cliniques futurs de plus forte puissance statistique et selon une approche pragmatique pour confirmer les résultats et définir la place de la fenestration échoguidée dans l’algorithme de prise en charge de l’épicondylose du coude.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Nathalie J. Bureau
  • Patrice Tétreault
  • François Desmeules
  • Guy Cloutier
  • Manon Choinière
Projet de recherche : 2015-0034
Champ de recherche : Réadaptation au travail
Mis en ligne le : 13 avril 2021
Format : Texte