IRSST - Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

Développement d’un indice radiologique représentatif de la fonction de l’épaule chez des travailleurs souffrant de rupture de la coiffe des rotateurs

Résumé

Les problèmes chroniques de douleur et de perte de fonction de l’épaule touchent jusqu’à 20 % des adultes (Pope, Croft et coll., 1997). La proportion serait encore plus élevée chez les adultes âgés de plus de 50 ans. Au Québec, la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec (CSST) rapporte que, pour les années 2003 à 2006, les lésions à l'épaule représentaient 39% des 32 549 lésions inflammatoires dues à un travail répétitif ou à un traumatisme. Les lésions à l'épaule ont requis en moyenne 75,4 jours d'absence du travail et 4 533 $ en indemnités de remplacement du revenu (IRR) par travailleur. En comparaison, les lésions au membre inférieur représentaient moins de 10 % des lésions rapportées et ont requis en moyenne 39,5 jours d'absence et des IRR de 2 439 $ par travailleur (CSST, 2007). Ces chiffres montrent non seulement l’importance du problème, mais aussi que les lésions à l’épaule nécessitent proportionnellement plus de temps pour retrouver une fonction adéquate et permettre un retour durable au travail. Ceci témoigne de l’importance d’identifier rapidement les personnes à risque de développer des problèmes de fonction à l’épaule afin de les orienter vers des programmes de réadaptation efficaces et adaptés.

Le but de ce projet était de développer un indice radiologique représentatif de la fonction de l’épaule chez des travailleurs souffrant de rupture de la coiffe des rotateurs.

La première partie du travail consistait à proposer un protocole d’acquisition d’images radiographiques à différentes élévations du bras dans le plan de la scapula. À cette fin, nous avons utilisé le système d’imagerie médicale à basse dose EOS™ doté de capteurs ultrasensibles. Suite à l’acquisition des radiographies, des techniques d’analyse des images et de reconstruction 3D ont été appliquées à la séquence d’images afin de reconstruire un modèle morpho-réaliste de la scapula et un modèle simplifié de l’humérus et d’étudier leur mouvement relatif.

La validation de la méthode sur 10 scapulas sèches, cinq épaules cadavériques et cinq travailleurs a démontré que les translations gléno-humérales (GH) pouvaient être évaluées avec une précision inférieure à 1,6 mm et une répétabilité variant de 1,8 à 3,6 mm. L’application de la méthode à 41 travailleurs ayant des ruptures de la coiffe des rotateurs a permis de montrer qu’il n’y avait pas de corrélation forte entre l’amplitude des translations GH et différents aspects de la fonction de l’épaule. Nous avons pu montrer, par exemple, une corrélation faible mais significative (R=0,322, p<0,02) entre le déplacement maximal de la tête humérale par rapport à la glène en direction supérieure et le score de Constant ajusté à l’âge et au sexe. Par ailleurs, nous avons pu démontrer que les travailleurs dont le score de Constant était inférieur à 50/100 avaient un déplacement inféro-supérieur et médio-latéral significativement différent (p<0,01) des travailleurs pathologiques dont le score de Constant était supérieur à 50/100.

Parallèlement à ce travail, nous avons réalisé une étude exploratoire sur les images IRM acquises au cours du projet. Nous avons adapté une méthode développée précédemment par Billuart et coll. (2008) et proposé un calcul d’un ratio de forces coaptatrices-élévatrices des fibres du deltoïde moyen à partir d’une reconstruction 3D des structures musculaires et osseuses du complexe de l’épaule. Nous avons pu démontrer, sur 11 travailleurs pathologiques et cinq travailleurs sains, que les fibres antérieures du deltoïde moyen avaient un rôle coaptateur plus important que celui des fibres postérieures, suggérant que la portion antérieure du deltoïde moyen pouvait éventuellement pallier la déficience de la coiffe des rotateurs et maintenir une bonne fonction de l’épaule malgré la présence d’une déchirure de la coiffe.

Ce projet aura donc permis de réaliser un avancement majeur des connaissances tant d’un point de vue technique que scientifique. Tout d’abord, le travail réalisé a permis d’élaborer une méthode d’analyse morpho-fonctionnelle de l’épaule en 3D précise et peu invasive. Celle-ci pourra à plus long terme être utilisée en clinique ou dans le cadre d’études morphologiques de l’épaule ou de la pseudo-cinématique de la scapula. Ce projet propose également un indice morpho-musculaire qui pourrait également expliquer la perte de fonction de l’épaule chez certains travailleurs. Ainsi, cette étude représente un pas de plus dans l’étude morpho-fonctionnelle de l’épaule, qui permettra sans aucun doute d’améliorer notre compréhension des pathologies de l’épaule, et à terme, l’amélioration du diagnostic, de la prise en charge ainsi que de la qualité de vie des travailleurs souffrant de douleurs à l’épaule.

Informations complémentaires

Catégorie : Rapport de recherche
Auteur(s) :
  • Nicola Hagemeister
  • Pierre-Yves Lagacé
  • Joan Hereter Gregori
  • Laurence Marck
  • Dominique Rouleau
  • Nathalie Bureau
  • Patrice Tétreault
  • André Roy
  • Fidaa Al-Shakfa
Projet de recherche : 0099-8250
Champ de recherche : Réadaptation au travail
Mis en ligne le : 24 février 2014
Format : Texte